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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 2.1869

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Nr. 3
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Michiels, Alfred: Génie de David Teniers
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https://doi.org/10.11588/diglit.21405#0232

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GÉNIE DE DAVID TENIERS.

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la belle prestance, les formes distinguées, n’offrent pas les heureuses ano-
malies, recherchées avec soin par les paysagistes, qui battent les forêts
pour trouver ces brillantes exceptions. Teniers ne se préoccupait guère
de semblables raffinements. S’il voyait un groupe de sycomores, de
frênes ou de tilleuls, il le copiait sans le modifier. Mais aussi ses arbres
ont l’air naturel, le feuillage en est bien rendu, léger, facile : on croirait
y entendre murmurer la brise.

Teniers ne mettait pas plus de coquetterie dans sa manière de peindre
les ciels : que d’autres notent les rares splendeurs du firmament, les jeux
insolites de la lumière, les formes étranges que prennent parfois les
nuages. Tenez, un vent d’ouest les chasse rapidement au-dessus de la
plaine; depuis longtemps le soleil a disparu, mais ses derniers rayons,
atteignant les vapeurs fugitives, les colorent du plus beau rouge : on
croirait voir les fumées d’un incendie, éclairées par la flamme. Les
nuances vont s’affaiblissant du côté de l’est, où une étrange réverbéra-
tion empourpre le haut d’une colline. Peu à peu les tons s’amortissent,
Tardent foyer paraît s’éteindre, le crépuscule grisâtre et monotone enva-
hit l’étendue. Croyez-vous que Teniers sera curieux de reproduire ces
poétiques effets? 11 y songe bien ! Un ciel ordinaire, avec des nuées blan-
châtres , floconneuses, pareilles à de la ouate et doucement baignées de
lueurs argentines, lui suffit d’habitude. Quand il y met plus de façons,
par caprice et de loin en loin, ses admirateurs s’étonnent. Mais aussi le
regard plonge dans les espaces qu’il ouvre au-dessus des chaumières et
des vergers; on se figure voir bien au delà des objets qui bornent réelle-
ment la vue. Et d’ailleurs, comme ces pigeons se balancent là-haut!
comme ils semblent frapper de leur aile agile une atmosphère véritable !

Les personnages de Teniers sont aussi réels que la scène où il les
place. Beaucoup d’amateurs, de critiques, s’étonnent de les voir si courts
et si trapus. Ils se demandent pourquoi l’artiste leur a donné ces lourdes
proportions, quelle race humaine lui a fourni de pareils types. Soyez
sûrs qu’il n’a pas été les chercher bien loin, car il tenait au sol de sa pa-
trie comme les vieux chênes de la forêt de Soignes. Trois années de sé-
jour consécutif dans le Brabant m’ont permis de retrouver ses modèles.
Les bonshommes de Teniers sont en effet des paysans brabançons : il
peignait tout simplement les villageois qui peuplaient la campagne au-
tour de son château. Ils sont restés les mêmes depuis son époque : ils
ont toujours le buste ramassé, les jambes fortes, la tête grosse, les yeux
grands, une belle carnation et des traits assez réguliers. Ils sont doux,
joyeux, bons compagnons et très-serviables; ils dansent, boivent, fument
comme jadis. Seulement ils portent des habits de drap lustré, des cha-
 
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