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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 2.1869

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Nr. 5
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Clément, Charles: Prud'hon, [1]: sa vie, ses œuvres et sa correspondance
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https://doi.org/10.11588/diglit.21405#0401

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PRUD’HON.

389

Du reste, ses études à Dijon furent interrompues de la manière la plus
déplorable. Il avait, paraît-il, laissé à Cluny une de ces liaisons de jeune
homme que le hasard noue et qu’un oubli mutuel ne tarde pas d’ordinaire
à dénouer. Nous ignorons quelle raison puissante put l’engager à contracter
une union mal assortie qui devait troubler et empoisonner sa vie jusqu’au
bout : peut-être une promesse, peut-être davantage, car son fds Jean
naquit, suivant toute vraisemblance, l’année même du mariage, et c’est
le curé Besson, dont les conseils poussaient sans doute son élève à ac-
complir strictement un engagement précis ou moral, qui procéda à la
cérémonie. Il se pourrait aussi que Prud’hon eut obéi à un mouvement
d’ambition et de vanité : la jeune fille qu’il épousa, Jeanne Pennet, était
en effet la fille d’un notaire royal, et par conséquent d’une condition bien
supérieure à la sienne. Deux détails minimes, mais caractéristiques, me
feraient pencher pour cette hypothèse. C’est après son mariage qu’il
ajouta à son prénom de Pierre celui de Paul (sans doute en souvenir de
Rubens) que l’on trouve intercalé dans l’acte authentique que nous
transcrivons1. C’est aussi après 1780 qu’il introduisit une h et une
apostrophe dans son nom, qu’il avait orthographié jusque-là Pnidon,
comme son père. Quoi qu’il en soit, les contemporains sont unanimes
à représenter cette union comme tout à fait indigne de lui, et con-
tractée en vue de réparer une faute et par un sentiment d’honneur.
Je ne veux pas insister sur ce triste sujet, je préfère donner la parole
à Voïart, qui a beaucoup connu Prud’hon et a certainement reçu ses
confidences. Il n’est pas probable qu’il ait rien exagéré, et il est aussi
catégorique que possible. « Cependant, dit-il, cette sensibilité précoce
qui présidait à ses conceptions pittoresques se développait encore d’une
autre manière dans son âme aimantée. A peine sorti de l’enfance, il con-
çut une passion pour un objet peu digne de le fixer. 11 contracta une
union mal assortie pour réparer les torts de l’amour, et l’honneur à
dix-huit ans 2 eut plus de pouvoir sur sa volonté que toutes les repré-
sentations de ceux qui s’intéressaient à son talent et à sa fortune. Ce
fatal hymen fut pour lui une source de chagrins qui empoisonnèrent ses
plus belles années ; et lui-même, peu de jours après son mariage, pré-
sagea qu’il serait le plus malheureux des hommes; mais, doué d’une
force d’âme peu commune, il se résigna, et, s’armant de philosophie et
de courage, il se livra de nouveau, et avec plus d’ardeur encore, à l’art

1 ■ C’est bien évidemment une surcharge : l’encre et l’écriture ne sont pas les mômes
que dans le reste de l’acte.

2. En juin 1778, Prud’hon avait près de vingt ans.
 
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