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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 2.1869

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Nr. 5
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Rousseau, Jean: Une épigramme de Michel-Ange: la chapelle des Médicis
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https://doi.org/10.11588/diglit.21405#0465

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452

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

les plus étonnants et aussi les plus célèbres qu’il ait laissés, qu’on visite
aujourd’hui cette nécropole princière.

Il y a des Médicis qu’on y cherche et qu’on n’y trouve pas. Où est
Laurent le Magnifique, qui fut le grand homme de cette dynastie bour-
geoise? Où 'est le tyran Alexandre, qui fut sa honte et faillit être sa
perte? Quelques-uns des tombeaux ne sont pas terminés. On admire,
dans la chapelle des princes, les images en bronze de Côme II par Jean
de Bologne, et de Ferdinand Ier par Tacca; mais les niches des mausolées
de Côme Ier et de Côme III attendent encore leurs statues. D’autres tombes
manquent tout à fait. Quelques-uns de ces anciens dominateurs de Flo-
rence pourrissent obscurément dans la crypte de la chapelle. Un artiste
de mes amis est descendu, il y a cinq ou six ans, au fond de ce caveau.
Il y a vu leurs cercueils. L’humidité les rongeait; le bois noirci de leurs
parois s’affaissait et s’émiettait. La bière de l’impudique Alexandre, entre
autres, s’était entr’ouverte, et l’on voyait passer sa main de squelette,
comme s’il eût cherché à s’évader de la mort.

Et pourtant ces Médicis avaient rêvé d’être plus respectés encore
morts que vivants, et d’enchaîner pour jamais à leur tombeau la vénéra-
tion du genre humain. Le moyen était trouvé; l’idée en appartenait au
grand-duc Ferdinand, l’ex-cardinal. On devait aller chercher le saint
sépulcre au fond de la Palestine et le rapporter à Florence. On l’eût placé
dans le caveau des Médicis. Le Christ eût été presque de la famille.
Mais l’émir Faccardin, qui devait livrer ce trésor, ne tint pas parole ;
l’ironique destinée refusa d’agréer le projet de ces princes orgueilleux,
qui voulaient être confondus, dans la mort, avec un Dieu.

Chose frappante ! les magnifiques tombeaux que Michel-Ange leur a
élevés passent eux-mêmes, dans l’opinion générale, pour des outrages
faits à leur mémoire. On sait qu’il a couché, sur ces deux mausolées,
quatre figures allégoriques : d’un côté, le Jour et la Nuit-, de l’autre,
Y Aurore et le Crépuscule. Leur réunion symbolise, dit-on, le Temps qui
dévore toutes choses. Pourquoi cette sombre tristesse dans le sommeil de
la Nuit? Pourquoi cette menace dans le regard du Jour? L’Aurore
s’éveille d’un air de dégoût et de lassitude visibles; le Crépuscule, la
tête penchée, vous frappe par son expression sévère et pensive. Toutes
ces figures, étendues aux pieds de Laurent et de Julien, auxquels elles
tournent le dos, semblent supporter avec répugnance ce voisinage. Est-ce
une ironie dédaigneuse de Michel-Ange pour les maîtres de sa patrie,
pour les princes qui lui avaient demandé de les immortaliser? Il est per-
mis de le croire quand on lit le farouche quatrain qu’il a fait sur sa Nuit :

« Il m’est doux de dormir, plus doux encore d’être de pierre. Tant
 
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