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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 2.1869

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Nr. 5
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Rousseau, Jean: Une épigramme de Michel-Ange: la chapelle des Médicis
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https://doi.org/10.11588/diglit.21405#0470

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UNE ÉPIGRAMME DE MICHEL-ANGE.

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Allusions pour, allusions contre les Médicis, toutes ces hypothèses, en
dernière analyse, me semblent également douteuses. En quoi ces figures
diffèrent-elles, comme caractère, comme expression, des types ordi-
naires de Michel-Ange? C’est son habitude de les empreindre de ce
cachet de force redoutable; c’est la violence de son génie qui s’écrit
dans ces muscles insurgés ; c’est sa méditation ardente qui passe dans la
profondeur de ces regards; c’est sa farouche mélancolie d’exilé volontaire
et de cénobite qui fronce ces sourcils, qui attriste ces fronts pensifs et ces
lèvres arquées; c’est toute son âme qui se mêle, comme toujours, au
marbre qu’il pétrit. Quant à la politique, j’imagine qu’elle ne passait
guère le seuil de son atelier. Debout, en face du marbre d’où il doit faire
sortir la vie et la beauté, le véritable artiste a vite fait d’oublier les que-
relles qui agitent le monde extérieur. La fièvre le prend, l’inspiration
vient et l’emporte plus loin et plus haut. Ne cherchons, dans les funèbres
allégories de la chapelle des Médicis, que la pensée habituelle de Michel-
Ange ; supposons qu'il y a mis en scène, à son ordinaire, Y Action et la
Contemplation, représentées par ces deux jeunes gens qui reflètent la
jeunesse éternelle de l’humanité. L'Action, encore assise, ne fait qu’é-
baucher un geste, commencer un mouvement, car l’homme meurt avant
d’avoir rien fait; la Contemplation est profonde, car le rêve laisse bien
loin les actes. Voilà les deux grandes alternatives qui vont se partager la
vie; et, plus bas, voici cette vie elle-même qui n’est qu’un jour, avec ses
quatre périodes, Y Aurore, le Jour, le Crépuscule, la Nuit. La vie s’éveille
dans Y Aurore, et déjà elle est lasse; l’impuissance humaine se trahit.
Le Jour a beau se tordre terriblement et rouler dans ses yeux creux et
profonds mille pensées ardentes : à quoi donc aboutit ce grand déploie-
ment de force et d’activité? À quelques pièces d’or que sa main entr’ou-
verte laisse dédaigneusement échapper. Et déjà la période de l’action est
finie. Lq Crépuscule se repose, la tête penchée, avec le regard fixe et pensif
de l’homme qui contemple des ruines. Puis la Nuit vient, et le sommeil;
nuit éternelle! sommeil qui ne finira jamais! Ainsi le rêve est vain et
l’action est stérile. Cette grande et solennelle peinture de l’inanité de
l’homme, pour qui la vie terrestre n’est qu’une sorte de noviciat, et qui
doit poursuivre, dans des sphères plus hautes, son développement com-
plet; cette conception philosophique, ces mélancoliques et fières idées
ne sont-elles pas bien à leur place sur un tombeau et ne valent-elles pas
quelques misérables allusions politiques à des circonstances éphémères?

JEAN ROUSSEAU.

II. — 2e PÉRIODE.

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