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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 2.1869

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Nr. 6
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Clément, Charles: Prud'hon, [2]: sa vie, ses œuvres et sa correspondance
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https://doi.org/10.11588/diglit.21405#0526

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PRUD’HON.

511

mement de leur maintien grave et composé. Il est singulier comme le
raisonnement et l’affectation d’esprit est une épidémie générale. Il est à
Rome certain café où s’assemble une partie des artistes français, et où
je me suis trouvé trois ou quatre fois dans les commencements. Là cha-
cun cherche un point de dispute, qui se rencontre bientôt, pour faire
étalage de son éloquence. Là, tous les maîtres passent (sont passés) en
revue et ne sont point épargnés. On critique celui-ci ; on déchire celui-
là. Tous ceux qui ne peuvent entrer en comparaison avec Raphaël sont
proscrits. Raphaël lui-même est blâmé de ne s’être pas assez asservi
à l’antique. Le mieux de tout cela, c’est que tous ces messieurs les beaux
parleurs n’étudient ni Raphaël, ni l’antique, et s’amusent chez eux à ne
rien faire qui vaille. J’étais ébloui dans les premiers temps de leur jar-
gon recherché. Je les croyais gens à suivre dans leurs ouvrages la même
méthode que dans leurs discours ; mais excessivement sévères aux autres,
ils sont excessivement indulgents à eux-mêmes. De plus leur amour-
propre leur épargne le désagrément de voir leurs défauts, et c’est avec
une confiance pleine de charlatanisme qu’ils vous font voir leurs ou-
vrages. Je suis tombé de mon haut en voyant tant de différence entre
parler et faire. J’avais cru que des gens qui se mettaient au-dessus de
plusieurs grands maîtres, en ayant l’air de les mépriser, soutenaient
dans leurs œuvres ce noble orgueil qu’ils avaient d’abord fait paraître.
Non-seulement ils sont loin du parallèle, mais même d’en approcher
jamais! Leurs raisonnements à perte de vue, tout chauds qu’ils sont, ne
suppléeront jamais au génie de glace de quelques-uns de ces messieurs.
D’autres plus modérés, qui se tiennent à l’écart, c’est-à-dire chez eux à
travailler, parlent beaucoup moins et réussissent infiniment mieux. Dans
leurs ouvrages la réflexion aide leur génie, et ils produisent de belles
choses. J’en ai vu quelques-uns dans ce genre, mais le nombre est petit.
Adieu, mon ami ; encouragé quelquefois par vos lettres, je tâcherai de
prendre un essor qui me fasse aller de pair, ou plus loin, s’il est possible.
Faites en sorte, mon ami, de charmer quelquefois mes ennuis en m’écri-
vant plus souvent. Cet effet merveilleux ne dépend que de vous; ne me
le refusez pas. Mes respects à votre chère mère, à Mme Richard ; mes
compliments à M. Silvain, à Chamuffin, etc., etc. 1. »

1. L’original de cette lettre appartient à M. Pelée.

CHARLES CLÉMENT.

(La suite au prochain numéro.)
 
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