LES DESSINS D’ALBERT DURER.
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de services. En passant à Malines, Durer invite à souper Conrad Meyt1,
« maître sculpteur comme je n’en ai jamais vu », dit-il.
À Bruxelles, il rencontre « ces messieurs de Nuremberg », venus
avec tous les insignes du couronnement, conservés dans leur ville
depuis le règne de Sigismond ; ils les portaient à Aix pour la cérémonie
qui se préparait. Durer dîne souvent en leur compagnie et est défrayé
pendant sept jours par un d’entre eux, Hans Ebner, qui ne voulut rece-
voir de lui aucune indemnité. Il se lie avec un vieil ami de Pirkheimer,
Jacob Bannisis, très-haut placé dans la faveur de Maximilien Ier. Le
secrétaire de ce Bannisis, nommé Erasme, comme le fameux écrivain
de Rotterdam, rédige la supplique que Durer devait présenter à
Charles-Quint (l’original de cette supplique se trouve aujourd’hui au
cabinet des Estampes de Berlin). Il admire dans la chambre d’or du
délicieux hôtel de ville quatre tableaux2 « que le grand-maître Roger
(Van der Weyden) a faits » ; derrière le palais du roi, les jets d’eau, le
labyrinthe et le jardin zoologique, toutes choses si belles qu’elles lui
semblent un paradis. Il s’extasie encore sur un soleil d’or et une lune
d’argent venus « du pays de l’or » (Mexique) ; il parcourt deux chambres
pleines de curiosités apportées des mêmes contrées, armures, harnais,
vêtements de toutes sortes. « Toutes ces choses sont si précieuses, qu’on
les évalue à cent mille florins. Quant à moi, je n’ai rien vu de ma vie
qui m’ait autant charmé que ces objets, parmi lesquels il y a des choses
pleines cl’art, et je me suis étonné de l’esprit ingénieux des habitants
de ces pays lointains. »
Durer est bien accueilli par Madame Marguerite, à laquelle il offre
tout son œuvre gravé et deux sujets sur parchemin, «exécutés avec
beaucoup de peine et d’application ». Il évalue le tout à trente flo-
rins. L’archiduchesse lui promet d’appuyer sa demande auprès de son
auguste neveu, l’empereur Charles. 11 reste à Bruxelles environ une
semaine; le site et les richesses de la cité flamande paraissent avoir
fait sur lui une vive impression. Dans le riche hôtel du gouverneur des
Pays-Bas, Henri de Nassau, il remarque la belle peinture de Hugo Y an
der Goes. Des hauteurs sur lesquelles est bâti l’édifice, « on a une si
1. C’est ce Conrad Meyt, sculpteur attitré de Madame Marguerite, qui exécuta en
1526 sur l’ordre de cette princesse les belles statues de Notre-Dame de Brou, à
Bourg.
2. Ces quatre tableaux, qui formaient une œuvre d’ensemble, ont été détruits dans
le bombardement de Bruxelles en 1693 ; il en reste une reproduction sur les quatre
magnifiques tapisseries conservées dans la sacristie de la cathédrale de Berne.
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de services. En passant à Malines, Durer invite à souper Conrad Meyt1,
« maître sculpteur comme je n’en ai jamais vu », dit-il.
À Bruxelles, il rencontre « ces messieurs de Nuremberg », venus
avec tous les insignes du couronnement, conservés dans leur ville
depuis le règne de Sigismond ; ils les portaient à Aix pour la cérémonie
qui se préparait. Durer dîne souvent en leur compagnie et est défrayé
pendant sept jours par un d’entre eux, Hans Ebner, qui ne voulut rece-
voir de lui aucune indemnité. Il se lie avec un vieil ami de Pirkheimer,
Jacob Bannisis, très-haut placé dans la faveur de Maximilien Ier. Le
secrétaire de ce Bannisis, nommé Erasme, comme le fameux écrivain
de Rotterdam, rédige la supplique que Durer devait présenter à
Charles-Quint (l’original de cette supplique se trouve aujourd’hui au
cabinet des Estampes de Berlin). Il admire dans la chambre d’or du
délicieux hôtel de ville quatre tableaux2 « que le grand-maître Roger
(Van der Weyden) a faits » ; derrière le palais du roi, les jets d’eau, le
labyrinthe et le jardin zoologique, toutes choses si belles qu’elles lui
semblent un paradis. Il s’extasie encore sur un soleil d’or et une lune
d’argent venus « du pays de l’or » (Mexique) ; il parcourt deux chambres
pleines de curiosités apportées des mêmes contrées, armures, harnais,
vêtements de toutes sortes. « Toutes ces choses sont si précieuses, qu’on
les évalue à cent mille florins. Quant à moi, je n’ai rien vu de ma vie
qui m’ait autant charmé que ces objets, parmi lesquels il y a des choses
pleines cl’art, et je me suis étonné de l’esprit ingénieux des habitants
de ces pays lointains. »
Durer est bien accueilli par Madame Marguerite, à laquelle il offre
tout son œuvre gravé et deux sujets sur parchemin, «exécutés avec
beaucoup de peine et d’application ». Il évalue le tout à trente flo-
rins. L’archiduchesse lui promet d’appuyer sa demande auprès de son
auguste neveu, l’empereur Charles. 11 reste à Bruxelles environ une
semaine; le site et les richesses de la cité flamande paraissent avoir
fait sur lui une vive impression. Dans le riche hôtel du gouverneur des
Pays-Bas, Henri de Nassau, il remarque la belle peinture de Hugo Y an
der Goes. Des hauteurs sur lesquelles est bâti l’édifice, « on a une si
1. C’est ce Conrad Meyt, sculpteur attitré de Madame Marguerite, qui exécuta en
1526 sur l’ordre de cette princesse les belles statues de Notre-Dame de Brou, à
Bourg.
2. Ces quatre tableaux, qui formaient une œuvre d’ensemble, ont été détruits dans
le bombardement de Bruxelles en 1693 ; il en reste une reproduction sur les quatre
magnifiques tapisseries conservées dans la sacristie de la cathédrale de Berne.