GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
6 h
belle vue, qu’on en doit être tout étonné, et je ne crois pas que, dans
tous les pays allemands, il y en ait une pareille ».
Selon son usage, il dessine le portrait de quelques habitants de la
ville : celui de maître Bernhard (Van Orley), peintre de Madame Mar-
guerite, qui lui offre un somptueux dîner, et ceux de six personnes de
Bruxelles, « qui ne lui ont rien donné ». 11 recommence aussi le portrait
d’Érasme ; enfin, et c’est la seule des œuvres faites à Bruxelles qui nous
ait été conservée, il dessine à la plume le buste d’une femme1 coiffée
d’un bonnet et vêtue d’un costume ouvert sur le devant; en haut 1520,
le monogramme et ces mots : Fait à Bruxelles (Albertine). Peut-être
est-ce le portrait de la marraine d’un enfant de son hôte, dont il dit
quelques mots dans son journal.
XV
Rentré bientôt à Anvers, Durer reprend sa vie active, mêlée de
plaisirs et de travaux ; invité par tous les personnages notables, entre
autres par « ces messieurs de Nuremberg », toujours fiers de leur compa-
triote; rendant visite aux peintres connus, tantôt offrant en échange de
services rendus ses propres œuvres, notamment ses Passions sur bois
et sur cuivre, tantôt les vendant pour quelques florins, çà et là dessinant
au pied levé des portraits ou des modèles pour le graveur, l’architecte
ou l’orfèvre. A ce moment, Charles-Quint fait son entrée triomphale
dans la ville. Durer remarque dans cette solennité les représentations
allégoriques du cortège et surtout quelques jeunes filles presque nues,
qui, selon la coutume de ces temps, figuraient dans le défilé. Plus
tard, dans ses causeries avec Mélanchthon, il se rappelle avec admiration
les belles Anversoises, et il reconnaît qu’il las a observées de très-
près. « Je les ai regardées, dit-il, avec grande attention et sans beau-
coup de réserve, car j’étais peintre, ego, quia eram pictor, aliquantulum
inverecundius circumspcxi. »
Peut-être est-ce la vue d’un des chevaux de cette pompe triomphale
qui inspira à Durer un des beaux dessins de son carnet : un cheval cou-
vert de magnifiques harnais, vu de profil, à gauche. La selle est haute,
la housse garnie de riches glands ; sur la tête se balance un panache de
plumes d’autruche. En bas, à gauche, sur la même feuille, la même tête
vue un peu plus de face et les mêmes harnais. Au verso, cinq dessins
'!• Le lecteur le trouvera ici, page 73.
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belle vue, qu’on en doit être tout étonné, et je ne crois pas que, dans
tous les pays allemands, il y en ait une pareille ».
Selon son usage, il dessine le portrait de quelques habitants de la
ville : celui de maître Bernhard (Van Orley), peintre de Madame Mar-
guerite, qui lui offre un somptueux dîner, et ceux de six personnes de
Bruxelles, « qui ne lui ont rien donné ». 11 recommence aussi le portrait
d’Érasme ; enfin, et c’est la seule des œuvres faites à Bruxelles qui nous
ait été conservée, il dessine à la plume le buste d’une femme1 coiffée
d’un bonnet et vêtue d’un costume ouvert sur le devant; en haut 1520,
le monogramme et ces mots : Fait à Bruxelles (Albertine). Peut-être
est-ce le portrait de la marraine d’un enfant de son hôte, dont il dit
quelques mots dans son journal.
XV
Rentré bientôt à Anvers, Durer reprend sa vie active, mêlée de
plaisirs et de travaux ; invité par tous les personnages notables, entre
autres par « ces messieurs de Nuremberg », toujours fiers de leur compa-
triote; rendant visite aux peintres connus, tantôt offrant en échange de
services rendus ses propres œuvres, notamment ses Passions sur bois
et sur cuivre, tantôt les vendant pour quelques florins, çà et là dessinant
au pied levé des portraits ou des modèles pour le graveur, l’architecte
ou l’orfèvre. A ce moment, Charles-Quint fait son entrée triomphale
dans la ville. Durer remarque dans cette solennité les représentations
allégoriques du cortège et surtout quelques jeunes filles presque nues,
qui, selon la coutume de ces temps, figuraient dans le défilé. Plus
tard, dans ses causeries avec Mélanchthon, il se rappelle avec admiration
les belles Anversoises, et il reconnaît qu’il las a observées de très-
près. « Je les ai regardées, dit-il, avec grande attention et sans beau-
coup de réserve, car j’étais peintre, ego, quia eram pictor, aliquantulum
inverecundius circumspcxi. »
Peut-être est-ce la vue d’un des chevaux de cette pompe triomphale
qui inspira à Durer un des beaux dessins de son carnet : un cheval cou-
vert de magnifiques harnais, vu de profil, à gauche. La selle est haute,
la housse garnie de riches glands ; sur la tête se balance un panache de
plumes d’autruche. En bas, à gauche, sur la même feuille, la même tête
vue un peu plus de face et les mêmes harnais. Au verso, cinq dessins
'!• Le lecteur le trouvera ici, page 73.