76
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
écharpe, qui lui donne l’air de nos sœurs de charité, avec cette indica-
tion : « Sur le Rhin; ma femme, près Bopart (Boppart). Les traits vieillis
d’Agnès sont fortement marqués ; la physionomie est dure et peuagréable
(feuillet du carnet, à la Bibliothèque de la Cour, à Vienne). Les deux
autres dessins ne sont pas d’une facture moins étonnante ; ils nous
montrent sur une même feuille l’avant-corps du lion, vu de face et de
profil. Au verso, le portrait d’un homme en demi-figure, coiffé d’un
grand chapeau à larges bords relevés, vêtu d’un ample manteau ouvert
sur le devant, laissant voir les plis de la chemise. Au-dessus : «A
Anvers} i52i. » A droite, une vague indication d’un paysage avec
monticule boisé, au-dessus duquel on lit : Près d’Andeniach, sur le
Rhin (feuillet du livret, Cabinet des estampes de Berlin).
Quelque temps après son retour à Anvers, Dürer est atteint d’une
fièvre violente et de forts maux de tête. Déjà, lors de son excursion en
Zélande, il y avait contracté une étonnante maladie, dont il n’avait,
dit-il, jamais entendu parler, et il en souffrait encore. Il est à croire que
ce mal étrange était une affection du foie. Nous avons en effet, au Musée
de Brême, un petit portrait en demi-figure de Dürer par lui-même, le
corps nu jusqu’au-dessus des hanches, avec une tache jaune à l’endroit
du foie, vers lequel est tendu l’index de la main droite avec ces mots :
« En haut, où est la tache jaune que j’indique du doigt, là est ma dou-
leur ». Dürer souffrit toujours de cette maladie, qui finit par l’emporter.
Le dessin de Brême n’a d’ailleurs aucune valeur artistique ; il fut sans
doute fait pour être envoyé à quelque médecin. La maladie fut assez
grave, au moins pendant trois semaines, car, outre les soins que Dürer
reçut d’un docteur anversois, il eut recours au savoir d’un médecin
étranger, auquel il offrit comme souvenir sa Vie de la Vierge.
Cependant il n’interrompt point complètement ses travaux ordi-
naires : il fait à la pointe d’argent le portrait de maître Joachim Patenier,
« le bon paysagiste », qui, quelques jours après, l’invite à son mariage.
C’est très probablement d’après ce dessin à la pointe d’argent, perdu
aujourd’hui, qu’a été gravée l’estampe, longtemps classée à tort par
Bartsch (B. 108) dans l’œuvre de Dürer. Le Musée de Weimar conserve
la tête au crayon noir du même Patenier par Dürer; elle est presque
de grandeur naturelle. Le peintre flamand est coiffé d’un chapeau rond
à larges bords; figure imberbe et un peu maladive. En haut, 1521 et
le monogramme.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
écharpe, qui lui donne l’air de nos sœurs de charité, avec cette indica-
tion : « Sur le Rhin; ma femme, près Bopart (Boppart). Les traits vieillis
d’Agnès sont fortement marqués ; la physionomie est dure et peuagréable
(feuillet du carnet, à la Bibliothèque de la Cour, à Vienne). Les deux
autres dessins ne sont pas d’une facture moins étonnante ; ils nous
montrent sur une même feuille l’avant-corps du lion, vu de face et de
profil. Au verso, le portrait d’un homme en demi-figure, coiffé d’un
grand chapeau à larges bords relevés, vêtu d’un ample manteau ouvert
sur le devant, laissant voir les plis de la chemise. Au-dessus : «A
Anvers} i52i. » A droite, une vague indication d’un paysage avec
monticule boisé, au-dessus duquel on lit : Près d’Andeniach, sur le
Rhin (feuillet du livret, Cabinet des estampes de Berlin).
Quelque temps après son retour à Anvers, Dürer est atteint d’une
fièvre violente et de forts maux de tête. Déjà, lors de son excursion en
Zélande, il y avait contracté une étonnante maladie, dont il n’avait,
dit-il, jamais entendu parler, et il en souffrait encore. Il est à croire que
ce mal étrange était une affection du foie. Nous avons en effet, au Musée
de Brême, un petit portrait en demi-figure de Dürer par lui-même, le
corps nu jusqu’au-dessus des hanches, avec une tache jaune à l’endroit
du foie, vers lequel est tendu l’index de la main droite avec ces mots :
« En haut, où est la tache jaune que j’indique du doigt, là est ma dou-
leur ». Dürer souffrit toujours de cette maladie, qui finit par l’emporter.
Le dessin de Brême n’a d’ailleurs aucune valeur artistique ; il fut sans
doute fait pour être envoyé à quelque médecin. La maladie fut assez
grave, au moins pendant trois semaines, car, outre les soins que Dürer
reçut d’un docteur anversois, il eut recours au savoir d’un médecin
étranger, auquel il offrit comme souvenir sa Vie de la Vierge.
Cependant il n’interrompt point complètement ses travaux ordi-
naires : il fait à la pointe d’argent le portrait de maître Joachim Patenier,
« le bon paysagiste », qui, quelques jours après, l’invite à son mariage.
C’est très probablement d’après ce dessin à la pointe d’argent, perdu
aujourd’hui, qu’a été gravée l’estampe, longtemps classée à tort par
Bartsch (B. 108) dans l’œuvre de Dürer. Le Musée de Weimar conserve
la tête au crayon noir du même Patenier par Dürer; elle est presque
de grandeur naturelle. Le peintre flamand est coiffé d’un chapeau rond
à larges bords; figure imberbe et un peu maladive. En haut, 1521 et
le monogramme.