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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 19.1879

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Nr. 3
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Chantelou, Paul Fréart de; Lalanne, Ludovic [Hrsg.]: Journal du voyage du cavalier Bernin en France, [8]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22839#0299

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•286

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

fait cela, elle trouve que le portrait ressemble beaucoup, d’abord qu’elle
rouvre les yeux. Le Cavalier a dit que l’invention était bonne; qu’il y avait
deux choses qui servaient à celui qui travaillait, pour bien juger de son
ouvrage : Tune de demeurer quelque temps sans le voir, l’autre, quand on
n’en a pas le loisir, c’est de regarder son ouvrage avec des lunettes qui
changent l’objet de couleur en le faisant plus grand, ou plus petit, afin de le
déguiser en quelque manière aux yeux de celui qui Ta fait et tâcher de faire
qu’il lui paraisse comme si c’était l’ouvrage d’un autre, ôtant par ce moyen
l’illusion que nous cause l’amour-propre. Dans cet entretien M. de Turenne1
est venu, et incontinent après, le Roi, qu’il n’était encore que midi. D’abord
que Sa Majesté est entrée, Mme de la Baume s’est présentée dans l’antichambre,
et lui a parlé longtemps, le Roi l’écoutant avec une grande attention et sou-
riant de fois à autre. Le Cavalier, qui voyait que le temps qui lui était des-
tiné se passait, s’est montré deux ou trois fois à Sa Majesté témoignant désirer
que cette audience fût plus courte, mais cela n’y a rien fait, et Mme de la
Baume a entretenu le Roi près d’une demi-heure, ce qui a fait juger que la
matière n’en était pas désagréable à Sa Majesté. Après, Elle est entrée dans
la salle, et le Cavalier a commencé à travailler regardant le Roi de différents
aspects, quelquefois de bas en haut, de côté, de près et de loin ; de quoi quel-
ques-uns des jeunes seigneurs qui étaient là présents, et à qui ce travail était
nouveau, voyant le Cavalier regarder de tant de diverses manières et avec
tant d’action, avaient grande envie de rire; le Roi même a eu peine à s’en
empêcher, mais s’est néanmoins retenu et les autres aussi; de sorte que le
Cavalier ne s’en est pas aperçu. Il a travaillé à la joue droite, à la bouche et
à l’œil droit et au menton. Avant que Sa Majesté s’en soit allée, Elle a vu le
dessin de cet amphithéâtre que fait le signor Mathie, puis Elle a dit que le
lendemain qu’il est fête, et le dimanche d’après Elle ne viendrait pas, ni le
lundi même, pour ce qu’Elle prendrait un remède, mais qu’après Elle vien-
drait régulièrement tous les jours. Durant cela, M. de Noailles, auprès de qui
j’étais, m’a demandé « si le Cavalier avait vu Versailles ». J’ai dit que non,
que je n’avais pas osé proposer de l’y mener, ne sachant si le Roi l’aurait
agréable. Il m’a dit que Sa Majesté en serait bien aise, mais qu’il ne fallait
pas que cela vînt d’Elle. Je dis que j’en ferais la proposition, et de fait, je
fus, le Roi sorti, chez M. le commandeur de Souvré, et lui dis la chose, à
cause qu’il s’était offert de donner à dîner au Cavalier quand je voudrais aller
à Maisons, et que Ton pouvait voir l’un et l’autre lieu en un même jour. M. le
commandeur m’a dit qu’il avait proposé de donner à dîner, lorsque la Cour
était à Saint-Germain, mais que ses officiers étaient maintenant ici, et que ce
lui serait un grand embarras de les envoyer là. Il m’a dit qu’il en parlerait à
M. de Longueil2 ou à M. de Maisons et me ferait savoir leur réponse. Ce soir,
le Cavalier n’est point sorti, et a fait ses dépêches pour Rome.

Le quinzième, le Cavalier a été faire ses dévolions aux PP. de l’Oratoire,
et de là est allé à Notre-Dame. Nous sommes venus après chez M. le Nonce,

1. Le maréchal de Turenne.

2. Jean de Longueil, frère de René de Longueil, marquis de Maisons.
 
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