492 GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
et zoologique est peinte avec une minutie et un soin extrêmes. Ce
tableau, daté de 1603, est un des derniers ouvrages du vieux maître.
Le Christ adoré par saint François, par Cristoforo Allori, porte l'em-
preinte d'une main plus vigoureuse. Le cadavre étendu du Christ, d'un
modelé souple et ferme, s'enlève avec force sur le fond obscurci. L'ange
de gauche, qui s'incline en montrant le corps divin, est d'une expres-
sion vive et noble. Le saint François qui s'agenouille, sur la droite, en
extase, rappelle par son ardeur sombre les figures les plus ferventes de
Cigoli. C'est de l'éclectisme, mais de l'éclectisme convaincu et pratiqué
avec une distinction qu'on retrouve plus souvent à Florence qu'à Bologne.
Les réformateurs de Bologne se faisaient, en effet, remarquer bien
plus par la vigueur que par la souplesse. Admirables praticiens, ils ne
parvinrent jamais à se débarrasser d'une certaine lourdeur provinciale.
Chez les tempéraments puissants, la force tournait vite à la brutalité;
chez les tempéraments délicats, la grâce dégénérait en fadeur. Les
trois Carraches, les maîtres de l'école, n'échappent pas à cette fatalité
native. Lcdovico a un bon Portrait d'homme, un riche bourgeois de
Bologne, à n'en pas douter, posant avec conscience, les deux mains
allongées sur les bras de son fauteuil, l'œil fixe, n'osant tourner sa
grosse tête sanguine et grisonnante. Le modèle en voulait pour sou
argent : le savant professeur ne l'a pas dupé. C'est de la bonne
besogne, quoique un peu lourde. Agostino, qui fut surtout graveur,
montre des qualités de graveur plus que de peintre dans sa Lapidation
de saint Etienne, qui revient aussi, après quelques promenades en terre
anglaise, de l'ancienne galerie d'Orléans. Cette lapidation était un sujet
souvent traité dans la famille : on y trouvait prétexte à des attitudes
académiques et à des expressions dramatiques. Agostino ne s'en tire
pas plus mal que son frère; sa composition est habile, ses ligures bien
posées, mais sans accent particulier. Quant à maître Annibal, il déploie
à l'aise sa grosse verve dans un Sommeil de Vénus, thème qui offrait
matière à son imagination mythologique et à son érudition pittoresque.
La robuste déesse étale ses membres puissants sur un vaste lit rouge
au milieu d'un magnifique paysage. Quand Vénus dort, les Amours
dansent-, il y en a, en effet, toute une ribambelle qui se livre joyeu-
sement aux ébats les plus variés. Au pied du lit, l'un joue de la flûte,
l'autre peint avec gravité. Un autre, moins sérieux, entraine par le bras
une bambine de son âge qui traîne irrespectueusement à ses petits pieds
les grandes pantoufles de la déesse.Quelques-uns dansent, se bousculent,
grimpent dans l'arbre qui ombrage la scène. Au loin, on en voit qui,
dans la plaine, tirent de l'arc, courent en char, se baignent à la rivière.
et zoologique est peinte avec une minutie et un soin extrêmes. Ce
tableau, daté de 1603, est un des derniers ouvrages du vieux maître.
Le Christ adoré par saint François, par Cristoforo Allori, porte l'em-
preinte d'une main plus vigoureuse. Le cadavre étendu du Christ, d'un
modelé souple et ferme, s'enlève avec force sur le fond obscurci. L'ange
de gauche, qui s'incline en montrant le corps divin, est d'une expres-
sion vive et noble. Le saint François qui s'agenouille, sur la droite, en
extase, rappelle par son ardeur sombre les figures les plus ferventes de
Cigoli. C'est de l'éclectisme, mais de l'éclectisme convaincu et pratiqué
avec une distinction qu'on retrouve plus souvent à Florence qu'à Bologne.
Les réformateurs de Bologne se faisaient, en effet, remarquer bien
plus par la vigueur que par la souplesse. Admirables praticiens, ils ne
parvinrent jamais à se débarrasser d'une certaine lourdeur provinciale.
Chez les tempéraments puissants, la force tournait vite à la brutalité;
chez les tempéraments délicats, la grâce dégénérait en fadeur. Les
trois Carraches, les maîtres de l'école, n'échappent pas à cette fatalité
native. Lcdovico a un bon Portrait d'homme, un riche bourgeois de
Bologne, à n'en pas douter, posant avec conscience, les deux mains
allongées sur les bras de son fauteuil, l'œil fixe, n'osant tourner sa
grosse tête sanguine et grisonnante. Le modèle en voulait pour sou
argent : le savant professeur ne l'a pas dupé. C'est de la bonne
besogne, quoique un peu lourde. Agostino, qui fut surtout graveur,
montre des qualités de graveur plus que de peintre dans sa Lapidation
de saint Etienne, qui revient aussi, après quelques promenades en terre
anglaise, de l'ancienne galerie d'Orléans. Cette lapidation était un sujet
souvent traité dans la famille : on y trouvait prétexte à des attitudes
académiques et à des expressions dramatiques. Agostino ne s'en tire
pas plus mal que son frère; sa composition est habile, ses ligures bien
posées, mais sans accent particulier. Quant à maître Annibal, il déploie
à l'aise sa grosse verve dans un Sommeil de Vénus, thème qui offrait
matière à son imagination mythologique et à son érudition pittoresque.
La robuste déesse étale ses membres puissants sur un vaste lit rouge
au milieu d'un magnifique paysage. Quand Vénus dort, les Amours
dansent-, il y en a, en effet, toute une ribambelle qui se livre joyeu-
sement aux ébats les plus variés. Au pied du lit, l'un joue de la flûte,
l'autre peint avec gravité. Un autre, moins sérieux, entraine par le bras
une bambine de son âge qui traîne irrespectueusement à ses petits pieds
les grandes pantoufles de la déesse.Quelques-uns dansent, se bousculent,
grimpent dans l'arbre qui ombrage la scène. Au loin, on en voit qui,
dans la plaine, tirent de l'arc, courent en char, se baignent à la rivière.