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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 24.1881

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Nr. 2
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Buisson, Jules: Le Salon de 1881, [3], Dessins et aquarelles
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https://doi.org/10.11588/diglit.22844#0147

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LE SALON DE 1881.

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saient debout, autour de nous, des hommes qui étaient le produit d’un
autre état ou social, ou scientifique, ou philosophique, ou artistique, on
a pu croire tout d’abord que l’effet ne serait que momentané. Il semblait
ne résulter que du trouble et de l’étonnement général ; au fond, il
résultait de la force des choses. On aura beau insister sur la remarque
essentielle que la main de l’homme et l’interprétation de l’homme
donnent aux choses un prix inappréciable qu’une mécanique quelconque
n’atteindra jamais, cela ne suffira pas à sauver la grande gravure.

Il faut en faire son deuil sans jeter cependant les hauts cris; car les
besoins esthétiques de l’humanité ne sont pas diminués pour cela, on en
pourrait fournir mille preuves, et ils trouveront une autre issue, d’au-
tres modes d’expression, chez les races artistes, même dans une époque
scientifique et utilitaire. Nous ne verrons donc pas plus refleurir la gra-
vure en taille-douce que nous ne verrons reverdir la glyptique chez les
modernes, qu’on ne reverra au Japon ces bijoux de goût et d’exécution,
en laque, en ivoire, en jade, qui tiennent dans le creux de là main et qui
demandaient deux mille journées et des années d’attente à des artistes
qui se contentaient de l’équivalent de quinze centimes par jour. Tout
cela est fatal. L’état scientifique et économique du monde influe d’ail-
leurs à la longue sur la constitution même des races, en sorte que tout
s’oppose à la fois à ces retours. Il faudrait des nerfs antédiluviens, une
faculté de patience et un désintéressement qui ne peuvent être, à notre
époque, réservés qu’à des êtres si exceptionnels, que cela exclut toute
idée de renaissance. Pour la gravure, je le répète, bien qu’elle n’exige
pas la longueur de temps que le vulgaire croit, puisque Gérard Audran
a pu exécuter en six ans les immenses Batailles cVAlexandre, je ne
crois ni à sa persistance ni à sa résurrection.

Et si le vénérable Henriquel Dupont, cette pointe et ce burin si fran-
çais, le seul homme qui eût été capable de reproduire, dans les en-
tr’actes de ses grandes pages, si l’envie lui en eût pris, les Glouet, les
Dumonstier, les Quesnel, si Henriquel Dupont devenait aveugle, il pour-
rait aller chanter en Europe, de capitale en capitale, de musée en mu-
sée, de cabinet d’estampes en cabinet d’estampes, l’odyssée de cette
grande gravure française, si libre dans ses procédés, qui a tout employé
pour interpréter les maîtres, l’eau-forte et la pointe comme le burin, et
qui est restée si longtemps supérieure à celle des autres nations : le cycle
se ferme, ses destinées sont accomplies. Ah ! les beaux dénombrements,
à la façon d’Homère ! Il y aurait le Chant du Triomphe : Jean Pesne,
Gérard Audran, Gérard Edelinck, Robert Nanteuil, Antoine Masson,
Claude Mellan, Claudia Stella, Balechou, Drevet, Poilly, F.-A. Tardieu.
 
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