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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 24.1881

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Nr. 3
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Merson, Luc-Olivier: Les logements d'artistes au Louvre à la fin du XVIIIe siècle et au commencement du XIXe, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.22844#0298

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LES LOGEMENTS D’ARTISTES AU LOUVRE.

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de l’autre côté, sur la rue des Orties. Quelques-uns avaient aussi sur cette
rue une entrée particulière, à part quoi ils offraient tous des dispositions
générales à peu près pareilles : chacun occupait la largeur d’une fenêtre
du quai et la moitié des trumeaux à droite et à gauche; en hauteur,
il comprenait : 1° un sous-sol ; 2° un rez-de-chaussée s’éclairant par des
fenêtres grillagées sur le corridor commun; 3° deux étages de chambres,
pratiqués dans l’entresol de la galerie, sous le plancher du musée ; et,
quant à sa longueur, c’était l’épaisseur même de la galerie. D’ailleurs, le
titulaire s’installait à sa guise, suivant ses besoins. On lui donnait la
place, il l’accommodait à son usage. Celui-ci abattait une cloison, celui-
là élevait une muraille. Le sculpteur y succédait au graveur, le peintre
ou l’orfèvre au savant. Tout changement de locataire amenait donc un
bouleversement nécessaire, et, à chaque occupant nouveau, il fallait
qu’une installation nouvelle vînt satisfaire à ses travaux, à son état de
fortune et de famille. Quelquefois ces aménagements coûtaient assez
cher: nous savons que Joseph Vernet, en 1763, donna près de trois mille
livres aux menuisiers, aux doreurs, aux peintres et aux maçons qui
travaillèrent pour lui aux galeries1, et Isabey, lorsqu’il y vint demeurer,
dépensa bien davantage.

En commençant par l’extrémité la plus proche du pont Neuf, le pre-
mier appartement qu’on rencontrait était celui portant le numéro 1.
Lors de l’expropriation de 1806, il avait pour titulaire un savant nommé
Bossut, ex-prêtre, collaborateur de d’Alembert dans la partie des mathé-
matiques de Y Encyclopédie, membre de l’Institut, examinateur à l’Ecole
polytechnique ; on a de lui un Cours de mathématiques aujourd’hui
démodé, et une Histoire des mathématiques en deux volumes. Bossut
vivait très retiré et ne voisinait guère. Au logement suivant, le numéro 2,
habitait Fragonard, « petit papa Fragonard», comme on disait aux gale-
ries2. Rond, replet, fringant, toujours alerte, toujours gai, il avait de
bonnes joues rouges, les yeux pétillants, des cheveux gris très ébourif-
fés, et on le voyait, aux galeries, éternellement vêtu d’une houppelande
ou roquelaure, en drap gris mêlé, sans agrafes, ni pattes ni boutons,
que le bonhomme arrêtait à la taille, au moment de travailler, avec
n’importe quoi, un bout de ficelle, un chiffon. Tout le monde l’aimait. 11
était marié. Bien grande, bien épaisse, bien commune surtout était

1. Léon Lagrange, .Joseph Vernet et la peinture au xvirn siècle.

c2. Le lecteur sera peut-être surpris de trouver ici des détails un peu familiers. Ils
ne sont point inventés à plaisir; nous les trouvons dans des Souvenirs laissés par un
de ceux que le décret impérial expulsa du Louvre, et que n-ous avons dessein de
publier un jour.
 
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