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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
qu’on portait au doigt ou en collier, dont l’Égypte et l’Assyrie faisaient une amulette
ou l’instrument d’une signature et, après une revue des imitations que les peuples
méditerranéens ont faites des types asiatiques anciens, s’est amplement épandu sur
le domaine de la glyptique grecque. L’apogée de cet art coïncide avec les beaux
siècles d’éclosion classique; l’art similaire se développe chez les Romains sous la
double influence des modèles grecs et étrusques et, chose curieuse, persiste jusqu’en
plein Bas-Empire, jusqu’à la période byzantine. Le moyen âge est une période de
nuit assez inféconde ; les artistes de la Renaissance pastichent à ravir les gemmes
du beau temps; le métier antique est, en tous cas, retrouvé par eux : il ne s’est pas
perdu depuis; il ne s’est que trop vulgarisé... Mais nous n’avons pas mission de
suivre pas à pas M. Babelon ; il est un guide trop complet et trop sûr pour qu’on
l’accompagne pede lento.
l’art indo-chinois, par m. a. de pouvourville.
(Bibliothèque de l’enseignement des Beaux-Arts.)
C’est une tâche difficile que l’étude d’un art qui n’a pas d’originalité, dont les
commencements et les dates sont enveloppés de nuit, dont le caractère précaire et
ambigu saute aux yeux. Le nom d’Indo-Chine même n’a-t-il pas une signification
purement artificielle et de géographie politique? Annexe de l’art chinois, l'art
indo-chinois est un art provincial et frelaté, une branche de l’art des races jaunes ;
de plus, il ne compte pas d’antiquités ni de chefs-d’œuvre dignes de ce nom. Seuls
les monuments du Cambodge occidental, les monuments que nous avons baptisés
du titre de khmers sont d’un type relativement défini. 11 est regrettable que M. de
Pouvourville ne leur ait pas réservé la place d’honneur, ou tout au moins une
description de première main ; il passe également sous un silence à peu près
complet le Siam et la Birmanie. Il faut donc s’attendre .à ne trouver guère dans
son volume qu'une vulgarisation de l’art des colonies françaises du Tonkin et de
l’Annam ; Hanoï prend la place d’Angkor et de Bangkok. Ces réserves faites, on
lira avec intérêt toute la partie qui se rapporte à l’innombrable bibeloterie, aux
fabrications patientes et enchevêtrées des objets d’art industriel, sculpture sur bois,
travail du métal, du laque, de la nacre, tissage et céramique, qui d’ailleurs sont
bien connues par l’exportation qu’en font nos colonies, nos protectorats et tous
les ports de l’océan Indien. M. de Pouvourville souhaite qu’un des effets de la
pacification progressive des provinces indo-chinoises soit d’y relever l’art d’une
décadence qui s’accélère au contact de la civilisation européenne.
LIBRAIRIE CA LM A AA LÉVY
CAUSERIES SUR L’ART ET LES ARTISTES, PAR M. PHILIPPE GILLE.
Voici, en effet, un volume aimable, facile, et tout de sérieuse causerie, à la fois.
La façon dont les choses sont contées est charmante; le ton, dégagé de pédantisme
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
qu’on portait au doigt ou en collier, dont l’Égypte et l’Assyrie faisaient une amulette
ou l’instrument d’une signature et, après une revue des imitations que les peuples
méditerranéens ont faites des types asiatiques anciens, s’est amplement épandu sur
le domaine de la glyptique grecque. L’apogée de cet art coïncide avec les beaux
siècles d’éclosion classique; l’art similaire se développe chez les Romains sous la
double influence des modèles grecs et étrusques et, chose curieuse, persiste jusqu’en
plein Bas-Empire, jusqu’à la période byzantine. Le moyen âge est une période de
nuit assez inféconde ; les artistes de la Renaissance pastichent à ravir les gemmes
du beau temps; le métier antique est, en tous cas, retrouvé par eux : il ne s’est pas
perdu depuis; il ne s’est que trop vulgarisé... Mais nous n’avons pas mission de
suivre pas à pas M. Babelon ; il est un guide trop complet et trop sûr pour qu’on
l’accompagne pede lento.
l’art indo-chinois, par m. a. de pouvourville.
(Bibliothèque de l’enseignement des Beaux-Arts.)
C’est une tâche difficile que l’étude d’un art qui n’a pas d’originalité, dont les
commencements et les dates sont enveloppés de nuit, dont le caractère précaire et
ambigu saute aux yeux. Le nom d’Indo-Chine même n’a-t-il pas une signification
purement artificielle et de géographie politique? Annexe de l’art chinois, l'art
indo-chinois est un art provincial et frelaté, une branche de l’art des races jaunes ;
de plus, il ne compte pas d’antiquités ni de chefs-d’œuvre dignes de ce nom. Seuls
les monuments du Cambodge occidental, les monuments que nous avons baptisés
du titre de khmers sont d’un type relativement défini. 11 est regrettable que M. de
Pouvourville ne leur ait pas réservé la place d’honneur, ou tout au moins une
description de première main ; il passe également sous un silence à peu près
complet le Siam et la Birmanie. Il faut donc s’attendre .à ne trouver guère dans
son volume qu'une vulgarisation de l’art des colonies françaises du Tonkin et de
l’Annam ; Hanoï prend la place d’Angkor et de Bangkok. Ces réserves faites, on
lira avec intérêt toute la partie qui se rapporte à l’innombrable bibeloterie, aux
fabrications patientes et enchevêtrées des objets d’art industriel, sculpture sur bois,
travail du métal, du laque, de la nacre, tissage et céramique, qui d’ailleurs sont
bien connues par l’exportation qu’en font nos colonies, nos protectorats et tous
les ports de l’océan Indien. M. de Pouvourville souhaite qu’un des effets de la
pacification progressive des provinces indo-chinoises soit d’y relever l’art d’une
décadence qui s’accélère au contact de la civilisation européenne.
LIBRAIRIE CA LM A AA LÉVY
CAUSERIES SUR L’ART ET LES ARTISTES, PAR M. PHILIPPE GILLE.
Voici, en effet, un volume aimable, facile, et tout de sérieuse causerie, à la fois.
La façon dont les choses sont contées est charmante; le ton, dégagé de pédantisme