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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
tions, c’est l’unique image due au pinceau français et où l’extériori-
sation d’une posture d’esprit apparaisse, complète. On se moque du
rêve de souffrir, avec cette élégante personne lassée, dont la main
nerveuse soutient le creux de la tempe. La goutte brillante d’un joyau
de bague reste suspendue à une veine transparue sous la finesse de
l’épiderme dans le doigt allongé. Et toute l’acuité de la personne, de
son esprit, de son être, passe dans le regard dont elle transperce l’es-
pace, elle, arrangée sur son bras et dans l’existence, pour connaître,
pour connaître avidement.
En gris clair, le jeune homme, tout rasé, au visage dur sous les
cheveux raides et blonds, impressionne par un air simple de lutteur
certain de son triomphe.
Devant les natures mortes, Poisson et melon, Poisson en gelée,
il se confirme que la dextérité du peintre va se parfaire, que son art
va gagner une originalité moins contestable. Avant peu, M. Jacques-
Emile Blanche se découvrira tout entier.
Du portrait aux types, la diff'érence n’est pas extrême dans ce
curieux Salon du Champ-de-Mars, encombré de sa foule moderne, de
ses Gaulois en parade, de ses Germains méditatifs, comme les décri-
vit, en deux toiles suggestives, M. Burger, de ses Saxons concentrant
leurs forces intérieures pour la plus vaste expansion de la race sur le
monde.
Ces qualités de l’âme anglaise, exprimées par M. Sargent et les
imitateurs de Whistler, se trouvent traitées dans leur contlit avec
l’action par l’habileté décevante de M. Renouard. Il s’y manifeste
qu’aux plus simples et aux plus emphatiques moments de l’existence,
l’examen de soi-même n’abandonne pas le citoyen britannique actif
et silencieux.
M. Renouard expose, en une série de dessins, la Vie à Londres.
Des maigres gymnastes se courbent, s’élancent. Auréolées de vastes
capotes, les salutistes s’évertuent sur le tréteau. En une classe, des
lilleltes cousent, prient dans la même posture, le long d’un banc.
Vingt têtes d’enfants caractérisées, chacune par la capacité dissem-
blable du crâne, sont attentives à la leçon. Ou bien, sous une table,
des lignes de jambes frêles se croisent et s’étendent, s’arrangent
pour dénoncer l’esprit de l’écolière. Une crispation nerveuse de pieds
l’un sur l’autre indique l’effort pour apprendre. Deux mollets jolis,
étendus, ne dénoncent-ils pas la paresseuse qui rêvasse? Aux genoux
en saillie d’une autre, on apprend qu’elle se balance sur le banc.
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tions, c’est l’unique image due au pinceau français et où l’extériori-
sation d’une posture d’esprit apparaisse, complète. On se moque du
rêve de souffrir, avec cette élégante personne lassée, dont la main
nerveuse soutient le creux de la tempe. La goutte brillante d’un joyau
de bague reste suspendue à une veine transparue sous la finesse de
l’épiderme dans le doigt allongé. Et toute l’acuité de la personne, de
son esprit, de son être, passe dans le regard dont elle transperce l’es-
pace, elle, arrangée sur son bras et dans l’existence, pour connaître,
pour connaître avidement.
En gris clair, le jeune homme, tout rasé, au visage dur sous les
cheveux raides et blonds, impressionne par un air simple de lutteur
certain de son triomphe.
Devant les natures mortes, Poisson et melon, Poisson en gelée,
il se confirme que la dextérité du peintre va se parfaire, que son art
va gagner une originalité moins contestable. Avant peu, M. Jacques-
Emile Blanche se découvrira tout entier.
Du portrait aux types, la diff'érence n’est pas extrême dans ce
curieux Salon du Champ-de-Mars, encombré de sa foule moderne, de
ses Gaulois en parade, de ses Germains méditatifs, comme les décri-
vit, en deux toiles suggestives, M. Burger, de ses Saxons concentrant
leurs forces intérieures pour la plus vaste expansion de la race sur le
monde.
Ces qualités de l’âme anglaise, exprimées par M. Sargent et les
imitateurs de Whistler, se trouvent traitées dans leur contlit avec
l’action par l’habileté décevante de M. Renouard. Il s’y manifeste
qu’aux plus simples et aux plus emphatiques moments de l’existence,
l’examen de soi-même n’abandonne pas le citoyen britannique actif
et silencieux.
M. Renouard expose, en une série de dessins, la Vie à Londres.
Des maigres gymnastes se courbent, s’élancent. Auréolées de vastes
capotes, les salutistes s’évertuent sur le tréteau. En une classe, des
lilleltes cousent, prient dans la même posture, le long d’un banc.
Vingt têtes d’enfants caractérisées, chacune par la capacité dissem-
blable du crâne, sont attentives à la leçon. Ou bien, sous une table,
des lignes de jambes frêles se croisent et s’étendent, s’arrangent
pour dénoncer l’esprit de l’écolière. Une crispation nerveuse de pieds
l’un sur l’autre indique l’effort pour apprendre. Deux mollets jolis,
étendus, ne dénoncent-ils pas la paresseuse qui rêvasse? Aux genoux
en saillie d’une autre, on apprend qu’elle se balance sur le banc.