Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 16.1896)

COURRIER DE L’ART ANTIQUE

(treiziéme article1)

Nous savons par l’ausanias2 que Néron lit enlever iiOO statues
de bronze à Delphes, dont le sanctuaire avait déjà subi plusieurs
pillages3 4. Du temps de Pline, sous Vespasien, on croyait qu’il en
restait près de 30004. Il est certain que l’enceinte sacrée de Delphes
était encore, à l’époque de Plutarque, sous les règnes de Trajan et
d’Hadrien, un véritable musée de statues de bronze5. Empereurs
byzantins et barbares eurent bien vite fait de le dépeupler, les uns
pour orner la nouvelle capitale de l’empire, les autres pour tirer
profit du métal. Fort heureusement, ils laissèrent au moins une
statue, plus grande que nature et parfaitement conservée, qui, res-
pectée par les Vandales du moyen âge et des temps modernes —
sans doute parce qu’un éboulement l’avait dissimulée à leurs con-
voitises, — vient d’être retrouvée, à la grande joie du monde savant,
par l’École française d’Athènes. Cet aurige en bronze, fondu vers
480 av. J.-C., est désormais une des pierres angulaires de l’histoire
de l’art. J’en laisse l’étude à ceux qui ont eu la bonne fortune de
le découvrir6, mais veux seulement insister ici sur l’extraordinaire rareté de la
trouvaille. Jusqu’à présent, on ne connaissait de Grèce qu’une seule statue de

1. Voir Gazette des Beaux-Arts, 2* période, t. XXX11I, p. 413; t. XXXIV, p. 239;
t. XXXV, p. 331; t. XXXVII, p. 60; 3" période, t. I, p. 57; t. III, p. 331; t. IV, p. 427;
t. VI, p. 427; t. IX, p. 219; t. XII, p. 213; t. XIII, p. 149.

2. Pausanias, X, 7, 1.

3. Sur l’histoire de Delphes à l’époque romaine, voir Foucart, Archives des Missions,
1865, p. 224.

4. Pline l’Ancien, Hist. nat., XXXIV, 36.

5. Plutarque, Oracles de la Pythie, p. 395 Iî.

6. Voir Th. Homolle, Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions, juin 1896. Le
premier croquis de cette figure a paru dans le Temps du 10 juin; nous en reproduisons
un calque au début de cet article.