108
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
compositions décoratives, vues de loin et d’en Las par le spectateur.
Ainsi divisée en stries, la coloration acquiert, recomposée, un éclat
incontestablement supérieur à celui que prépare le mélange sur
palette.
Cette méthode de peindre rajeunit la tradition qui conseille de
personnifier par des figures ailées l’esprit évocateur de l’artiste.
Les trois sortes d’apparitions, dues aux arts si différents de
MM. Fantin-Latour, Henri Martin et Frédéric Lauth, affirment que
l’essor du réalisme n’a nullement éclipsé la symbolique picturale.
Au Champ-de-Mars, chaque année, les œuvres de M. Ary Renan en
donnent un exemple admiré. Quel tort est celui des novateurs
déclarant effacer du monde les tendances qu’ils attaquent !
La conception de détruire reste barbare. Il appartient au siècle
nouveau d’admettre l’émulation de toutes les formules. Car il n’est
pas de réel ni d’irréel. Tout se nomme humain. Le surhumain naît
de la réflexion humaine, phénomène psychique aussi positif que
celui constatant la présence d’une maison, d’un arbre, d'un animal.
Au reste, les philosophies nous apprennent comment il demeure
impossible de démontrer l ’existence extérieure d’objets correspondant
à nos sensations. La matière devient une hypothèse de l’esprit. Seule
la perception constitue le fait. Les erreurs des sens et le daltonisme,
probablement universel, révélèrent, grâce à la science, que nu 1 le réalité
certaine ne correspond aux images surgies dans l’intellect. Le moi
est une arche populeuse où nous faisons paître des troupeaux de
créations personnelles. Aucune force n’ouvrira jamais les fenêtres
sur le dehors. Notre personnalité nous emmure. Le réel et le surna-
turel naissent de la même essence mentale. Ce sont des catégories
artificielles, par quoi nous distinguons les phénomènes habituels des
phénomènes plus rares. Elles quantifient simplement.
L’influence du symbolisme guida beaucoup de peintres vers le
goût du phénomène rare. Les nymphes sont nombreuses qui voltigent
entourées d’écharpes, dans le bois roux. Mais elles ne présentent
plus celle beauté facile que le goût d’il y a vingt ans leur prêtait.
Elles ne montrent plus d’yeux énormes, ouverts dans l’ovale parfait
de visages en nacre, ni de chevelures en manteaux, ni de nudités
replètes et pareilles, par la profusion répandue de lis, de roses.
Celles de cc temps, un peu blêmes, sveltes et plu lût maigres, ado-
lescentes, les cuisses longues, la poitrine embryonnaire, la taille
haute, attendent encore l’âge de femme. On les aperçoit agiles et
pâlies, dans Y Automne de M. Albert Laurens, puis ombrées de cré-
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
compositions décoratives, vues de loin et d’en Las par le spectateur.
Ainsi divisée en stries, la coloration acquiert, recomposée, un éclat
incontestablement supérieur à celui que prépare le mélange sur
palette.
Cette méthode de peindre rajeunit la tradition qui conseille de
personnifier par des figures ailées l’esprit évocateur de l’artiste.
Les trois sortes d’apparitions, dues aux arts si différents de
MM. Fantin-Latour, Henri Martin et Frédéric Lauth, affirment que
l’essor du réalisme n’a nullement éclipsé la symbolique picturale.
Au Champ-de-Mars, chaque année, les œuvres de M. Ary Renan en
donnent un exemple admiré. Quel tort est celui des novateurs
déclarant effacer du monde les tendances qu’ils attaquent !
La conception de détruire reste barbare. Il appartient au siècle
nouveau d’admettre l’émulation de toutes les formules. Car il n’est
pas de réel ni d’irréel. Tout se nomme humain. Le surhumain naît
de la réflexion humaine, phénomène psychique aussi positif que
celui constatant la présence d’une maison, d’un arbre, d'un animal.
Au reste, les philosophies nous apprennent comment il demeure
impossible de démontrer l ’existence extérieure d’objets correspondant
à nos sensations. La matière devient une hypothèse de l’esprit. Seule
la perception constitue le fait. Les erreurs des sens et le daltonisme,
probablement universel, révélèrent, grâce à la science, que nu 1 le réalité
certaine ne correspond aux images surgies dans l’intellect. Le moi
est une arche populeuse où nous faisons paître des troupeaux de
créations personnelles. Aucune force n’ouvrira jamais les fenêtres
sur le dehors. Notre personnalité nous emmure. Le réel et le surna-
turel naissent de la même essence mentale. Ce sont des catégories
artificielles, par quoi nous distinguons les phénomènes habituels des
phénomènes plus rares. Elles quantifient simplement.
L’influence du symbolisme guida beaucoup de peintres vers le
goût du phénomène rare. Les nymphes sont nombreuses qui voltigent
entourées d’écharpes, dans le bois roux. Mais elles ne présentent
plus celle beauté facile que le goût d’il y a vingt ans leur prêtait.
Elles ne montrent plus d’yeux énormes, ouverts dans l’ovale parfait
de visages en nacre, ni de chevelures en manteaux, ni de nudités
replètes et pareilles, par la profusion répandue de lis, de roses.
Celles de cc temps, un peu blêmes, sveltes et plu lût maigres, ado-
lescentes, les cuisses longues, la poitrine embryonnaire, la taille
haute, attendent encore l’âge de femme. On les aperçoit agiles et
pâlies, dans Y Automne de M. Albert Laurens, puis ombrées de cré-