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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 16.1896

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Nr. 2
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Adam, Paul: Les Salons de 1896, 3, La peinture au Salon des Champs-Élysées
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https://doi.org/10.11588/diglit.24682#0124

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

des Brueghel, fixa sur la toile les figures sournoises, bestiales ou
adipeuses des seigneurs, des évêques. A force de poindre et de férir,
de fouiller, eu imagination, les entrailles des vaincus, ces nobles
perdirent la face humaine. L’hyène et le renard guettent par les
yeux des fondateurs siégeant coiffés du chaperon écarlate. Ainsi, sur
les stèles qui nous livrent les guerriers d’Assur, le rictus du félin
agriffé contre sa proie caractérise les vainqueurs aux tiares coniques,
aux barbes annelêes, aux bras musculeux, bandant l’arc du haut du
char. Les siècles vont. L’homme tue toujours. C’est l’épopée napoléo-
nienne. Dans un village, M. Le Dru fait se précipiter les soldats en
délire de meurtre. Il en débouche de toutes les rues. Pour fusiller, il
s’en agenouille derrière la margelle du puits que surmonte une sta-
tuette d’homme pacifique. L’homme s’enchante de revivre les heures
bestiales de la curée, le temps où, anthropoïde muni du poignard en
silex, il éventrait le porteur de colliers, par plaisir, par sens du
triomphe, par convoitise de s’applaudir maître.

L’étude des mouvements de foule ne sollicite guère les artistes
que dans les peintures do carnage, et elle ne produit rien d’égal à la
Bataille d’Arbelles, de Jean Brueghel, ni aux chocs de cavalerie de
Wouverman, soit que l’on nous montre tel épisode de la guerre
d’Afrique, où un bataillon entouré repousse les Kabyles, soit que
AL Duquesne, dans une atmosphère massive, agglomère les soldats
de 1870 à l’assaut d’une position allemande, soit que de multiples
amateurs entretiennent, par des images sans mérite, la haine contre
ceux nés outre-Rhin. Tantôt le créateur confond ses soldats dans la
généralité trop artificielle d’un élan confus, tantôt il se contente de
traiter en détail quatre ou cinq personnages réunis, par de naïfs
subterfuges, à des hérissements de fusils, à des champs de képis
rouges. Les essais avortent. Il faudrait pourtant se convaincre que,
de l’essor des foules, un art émouvant peut naître. Un Hollandais,
M. Luyten, l’a deviné, comme Flaubert le réalisa.

Sous le plafond bas d’un cabaret belge, des grévistes acclament
le haillon rouge fixé par l’un deux à une hampe. Tous, vêtus de cottes
bleues, hurlent un serment de haine. Un buisson de mains noires,
calleuses, entamées par la matière et l’outil, se dresse au-dessus des
épaules. Cinquante visages troués de bouches en vocifération livrent
cinquante expressions tragiques de vigueurs exaspérées, jeunes,
mûres, vieilles. Sans beauté ni grâce, de véridiques femelles en
caracos glapissent. Cela s’agite dans un éclairage exact, n’empruntant
ses valeurs ni à l’artifice d’une ombre expresse, ni à l’éclat d’un soleil
 
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