LES SALONS DE 189G
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nique. La lumière électrique brille sur les Docks de Cardiff, elle se
reflète dans le balast humide où se courbent les lueurs infinies des
rails. Rouges, les falots protègent la route. La locomotive trapue
souffle et glisse, abandonne rapidement les quais, les mâtures des
paquebots, la mer. Du brouillard rend diffuses les lumières. De la
force sombre progresse entre les vapeurs. Il apparaît bien que,
le premier entre ceux qui vou-
lurent fixer l'impression value
par la vigueur majestueuse des
machines, M. Walden y réus-
sit. Aucune silhouette humaine
n’apporte de contraste. Seule,
la locomotive s’élance de son
domaine noir et poli à travers
l’humidité nocturne. Elle existe
d’une vie propre, sourde, rapide
et déterminée. La création de
Prométhée prend essor à tra-
vers la féerie d’une gare éclai-
rée par ses lunes électriques
suspendues, par ses falots de
couleur. Et l’on songe au bien
accompli déjà, à la paix que
promettent les relations plus
faciles entre les hommes, à la
diminution de l’effort ouvrier,
à la production abondante et
meilleure, à tout ce que des
intelligences fraternelles tire-
raient encore de la bonne mère Science afin d’assourdir les cris de la
misère matérielle, pour dure que soit aussi la peine de l’âme.
En un assaut d’hommes, de femmes, d’ouvrières, de filles, de
mondaines, de travailleurs, de gens de fête, M. Rochegrosse a sym-
bolisé Y Angoisse humaine escaladant le roc afin de saisir les illusions
qui volent au ciel. Accourue de l’horizon fumeux, la foule s’étouffe,
s’écrase, s’étrangle et se piétine. Un se hausse sur le cadavre du
suicidé. Les coudes virils s’enfoncent dans les épaules des femmes
décolletées. Les plus forts se hissent à la cime, et, alors, c’est
la glissade éperdue. Insensible à sa propre chute, le poète tombe
roide dans l’abîme, le regard vers les apparitions. Au fond brillent
FEMME A SA TOILETTE, PAR M. E. LO MONT
(Salon des Champs-Elysées)
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nique. La lumière électrique brille sur les Docks de Cardiff, elle se
reflète dans le balast humide où se courbent les lueurs infinies des
rails. Rouges, les falots protègent la route. La locomotive trapue
souffle et glisse, abandonne rapidement les quais, les mâtures des
paquebots, la mer. Du brouillard rend diffuses les lumières. De la
force sombre progresse entre les vapeurs. Il apparaît bien que,
le premier entre ceux qui vou-
lurent fixer l'impression value
par la vigueur majestueuse des
machines, M. Walden y réus-
sit. Aucune silhouette humaine
n’apporte de contraste. Seule,
la locomotive s’élance de son
domaine noir et poli à travers
l’humidité nocturne. Elle existe
d’une vie propre, sourde, rapide
et déterminée. La création de
Prométhée prend essor à tra-
vers la féerie d’une gare éclai-
rée par ses lunes électriques
suspendues, par ses falots de
couleur. Et l’on songe au bien
accompli déjà, à la paix que
promettent les relations plus
faciles entre les hommes, à la
diminution de l’effort ouvrier,
à la production abondante et
meilleure, à tout ce que des
intelligences fraternelles tire-
raient encore de la bonne mère Science afin d’assourdir les cris de la
misère matérielle, pour dure que soit aussi la peine de l’âme.
En un assaut d’hommes, de femmes, d’ouvrières, de filles, de
mondaines, de travailleurs, de gens de fête, M. Rochegrosse a sym-
bolisé Y Angoisse humaine escaladant le roc afin de saisir les illusions
qui volent au ciel. Accourue de l’horizon fumeux, la foule s’étouffe,
s’écrase, s’étrangle et se piétine. Un se hausse sur le cadavre du
suicidé. Les coudes virils s’enfoncent dans les épaules des femmes
décolletées. Les plus forts se hissent à la cime, et, alors, c’est
la glissade éperdue. Insensible à sa propre chute, le poète tombe
roide dans l’abîme, le regard vers les apparitions. Au fond brillent
FEMME A SA TOILETTE, PAR M. E. LO MONT
(Salon des Champs-Elysées)