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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 16.1896

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Nr. 2
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Gauthiez, Pierre: La Renaissance italienne et son historien français, 2
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132

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

sainte Catherine de Sienne, l’Italie peut recevoir le pain sacré par les
mains d’un ange ; elle n’en demeure pas moins experte dans les
réalités terrestres, la politique et les affaires; dans les arts, elle ne
perdra jamais pied. Virtuoses magnifiques, les hommes de la Renais-
sance veulent tirer du pittoresque toute la joie qu’il peut donner. Le
moment n’arrivera-t-il pas où Michel-Ange lui-même ne sera plus
compris, comme trop spiritualiste? Et cependant ses peintures étaient
si réalistes déjà, que Dante eût reculé peut-être devant elles. Alors,
la joie du métier remplacera tout, et l’art même ; après les artistes
viendront les peintres du « morceau » ou des compositions conve-
nues ; de même, après les poètes, seront nés les hommes de lettres ;
deux types désormais impérissables de fabricants, ou, si l’on veut,
de « vendeurs du temple ».

Sous les espèces do cette liberté frénétique et universelle, et
puisque, dans tous les ordres de l’idée et de la société, « un simple
écuyer peut devenir roi,1 » la Renaissance confond dans son idéal, et
pêle-mêle, tout ce qui fut grand et fameux. Les Sibylles seront pla-
cées auprès des Prophètes, et Platon devant saint Thomas. Ce qui
voile pour nous la confusion prodigieuse de ces conceptions, c’est que
l’Italie eut la fortune d’être élevée surtout par l’hellénisme ; par suite
de cette influence, ses imitations hybrides ont plus de pureté, de style
et de grâce : il reste dans les éléments de sa Renaissance une irré-
ductible magie. Elle la tient de la culture grecque, au lieu que, dès
le moment où la France subit fortement le poids de la discipline
antique, c’est surtout la lourde machine romaine et l’hellénisme
abâtardi par les Latins qui la déforment. Seule, la langue italienne,
par le règne néfaste des humanistes, a été touchée du même mal.

Savoir « corne Vuorri s’eterna2 », et s’occuper de devenir, suivant
les paroles d’un autre poète, « non point un ergoteur enflé de vent,
mais un artiste épris du réel3 », voilà, durant les deux grands siècles
de l’art italien, le but et la règle de vie pour l’homme libre. Les flot-
tements perpétuels de l’état social s’accroissent et le dégagent de
tout lien gênant; l’Eglise est une chose proche et vivante, malléable
et mobile, humaine dans toute la force du mot; les Arts à la Cour des
Papes montrent assez combien l’artiste s’appuie sur elle. Il y a peu
de ces luttes morales que l’ardente foi produit ailleurs; des incré-
dules, et dès le principe, mais point ou guère d’hérétiques L Un sens

1. Æn. Sylvius Piccolomini, De dict et fact. Alphonsi, in-fol. Bâle, 1371, p. 475.

2. Dante, Inf., XV, 86.

3. Petrarca, Ep. senil. XIII, b.
 
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