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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 16.1896

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Nr. 2
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Gauthiez, Pierre: La Renaissance italienne et son historien français, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24682#0172

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138

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

gion n’est en vérité pour lui qu’une religion d'images, et les
peintres ne gagneront jamais à vouloir y mêler des conceptions
étrangères. Quant à une idée générale, comme celle de la patrie,
la patrie n’est pour l’Italien du xvie siècle que la cour du prince
où il est employé. On sent toutes les conséquences ; et l’on pourra,
pour les comprendre dans leur dernier effet, se souvenir qu’en
France l’imitation de cet art italien, peu sincère elle-même, il ne
faudra pas cent années pour qu’elle produise le style dit de
Louis XIV, avec son emphatique monotonie.

Je sais bien que les mêmes lectures et des impressions venues
par des études semblables pourront éveiller chez d’autres esprits des
sentiments tout différents. Mais enfin, on ne juge avec confiance et
fermeté qu’en obéissant à l’instinct de sa race; et pas une race, en
dépit des apparences, n’est rebelle aux vices de la décadence italienne
autant que la nôtre, pourvu qu’elle ait le courage de dépouiller les
conventions. Si, par un invincible attrait, les peintres d’avant
Raphaël, ou Raphaël lui-même dans sa première manière1, si les
sculpteurs d’avant Michel-Ange, les graveurs d’avant Marc-Antoine2
sont nos maîtres d’élection, c’est en dernière analyse parce que nous
trouvons en eux un peu du génie qui inspire les grandes œuvres
de la France. Les luttes ne sont pas finies ; ne vivons-nous pas de la
Renaissance? Le propos est vaste, irail bien au delà de la sphère des
beaux-arts. D’aucuns répondraient : n’en mourons-nous pas ?

Et peut-être^ nous qui l’avons étudiée de près, pouvons-nous
demander pourquoi cette superstition persiste? S’il est vrai qu’ « un
grand peuple sans âme est une vaste foule », qu’a-t-elle donc à nous
dire, cette foule d’artistes, cette foule de virtuoses? L’âme n’est plus
là : les ouvrages, souvent anonymes, de nos vieux maîtres nous rap-
pellent, et nous parlent un langage plus ingénu, mais où sonne
l’accent du vrai, où ne sont plus les phrases vaincs de l’école et les
grands effets des éloquences étrangères.

Pour que les uns retrouvent ainsi leurs impressions d’Italie, pour
que les autres puissent prendre une idée d’ensemble sur l’art de la
Renaissance, il était nécessaire que la science vaste et impeccable de
M. Eugène Müntz fît composer, par les puissants moyens modernes,
une illustration où le texte revivrait et s’éclairerait. Cette illustration

1. V. llaphacl, sa vie, son œuvre et son temps, par Eug. Müntz, 1 vol. in-4".
Hachette, 1886.

2. On se reportera à l’ouvrage de M. H. Delaborde, La Gravure en Italie
avant Marc-Antoine. Rouam, 1883.
 
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