GAZETTE DES BEAUX-AllTS
MA
festement inspirés de peintures ou de dessins d’autrui. Comment admettre que
le Crucifiement (Lehrs, 8), les Madones 2 et 4 (lesquelles se répètent en plus petit
format sous les nos 3 et S), par leur gaucherie même, n’attestent pas le souvenir
d’un maître de valeur plus haute que leur interprète par le burin ? A fortiori, le
Saint François recevant les stigmates (n° 16) et le Saint Martin (n“ 18), ce dernier
maniant son épée de la main gauche, ont-ils eu pour sources des créations très
précises, chose en quelque sorte prouvée par leur déformation moindre sous
le burin du graveur, lequel s’est abstenu de mettre sa marque sur l’une et sur
l’autre pièce. On peut, du reste, se rallier à l'attribution.
Ne pas envisager comme de première main l’ensemble des productions du
graveur serait si peu une hypothèse gratuite, que précisément la plus parfaite de
ses pièces, la Généalogie de la Vierge, dont Renouvier fait un juste éloge et dont
la supériorité étonne M. Lehrs, se retrouve presque textuellement dans une pein-
ture. Ce tableau de maître anonyme, vendu à Londres, en 189S, sous le nom de
van der Goes', acquis depuis par le Musée de Lyon, qui se place au premier rang
des galeries publiques de France, constitue un véritable problème. Dans son
ensemble comme dans ses détails, il pourrait être envisagé comme le point de
départ de la gravure de W . Abstraction faite de deux figures de donateurs
et à l’exception d’un vieillard remplacé par un jeune homme qui, dans la pein-
ture, occupe la place de l’apôtre saint Jacques le Mineur, tout se retrouve de part
et d’autre. Traduction libre, sans doute, mais que j’ai bien de la peine à envi-
sager comme ayant pu servir de thème à un tableau de la qualité de celui qui
nous occupe. Le graveur s’est-il exceptionnellement inspiré d’une peinture, ou
bien est-ce l’inverse?
Ajoutons que ses estampes durent avoir grande notoriété. Dès le xv° siècle,
elles étaient l’objet de copies, et M. Loga nous a récemment montré Michel
Wolgemut tirant de la Généalogie de la Vierge des motifs pour illustrer les Grandes
Chroniques de Nuremberg1 2. Rencontre étrange à qui songe qu’on avait pensé,
dès le début de ce siècle, à faire, du graveur W" /(^, le maître de Michel
Wolgemut.
J’en ai dit assez pour montrer que le nouveau livre du savant conservateur
des estampes de Dresde constitue une adjonction des plus précieuses à l’histoire
des commencements de la gravure en taille-douce. Par la sûreté, par l’abon-
dance des informations, par la sagacité des aperçus et l’excellence des repro-
ductions, il prend place au nombre des sources les plus précieuses auxquelles
puissent recourir l’iconophile et le curieux.
H. H.
1. 11 eut pour premier acquéreur M. Stéphen Bourgeois, à Paris, chez qui j’ai eu la
satisfaction de pouvoir l’étudier.
2. Annuaire des Musées royaux (Jahrbuch der k. preussischen Kunstsammlungen).
t. XVI, p. 224.
MA
festement inspirés de peintures ou de dessins d’autrui. Comment admettre que
le Crucifiement (Lehrs, 8), les Madones 2 et 4 (lesquelles se répètent en plus petit
format sous les nos 3 et S), par leur gaucherie même, n’attestent pas le souvenir
d’un maître de valeur plus haute que leur interprète par le burin ? A fortiori, le
Saint François recevant les stigmates (n° 16) et le Saint Martin (n“ 18), ce dernier
maniant son épée de la main gauche, ont-ils eu pour sources des créations très
précises, chose en quelque sorte prouvée par leur déformation moindre sous
le burin du graveur, lequel s’est abstenu de mettre sa marque sur l’une et sur
l’autre pièce. On peut, du reste, se rallier à l'attribution.
Ne pas envisager comme de première main l’ensemble des productions du
graveur serait si peu une hypothèse gratuite, que précisément la plus parfaite de
ses pièces, la Généalogie de la Vierge, dont Renouvier fait un juste éloge et dont
la supériorité étonne M. Lehrs, se retrouve presque textuellement dans une pein-
ture. Ce tableau de maître anonyme, vendu à Londres, en 189S, sous le nom de
van der Goes', acquis depuis par le Musée de Lyon, qui se place au premier rang
des galeries publiques de France, constitue un véritable problème. Dans son
ensemble comme dans ses détails, il pourrait être envisagé comme le point de
départ de la gravure de W . Abstraction faite de deux figures de donateurs
et à l’exception d’un vieillard remplacé par un jeune homme qui, dans la pein-
ture, occupe la place de l’apôtre saint Jacques le Mineur, tout se retrouve de part
et d’autre. Traduction libre, sans doute, mais que j’ai bien de la peine à envi-
sager comme ayant pu servir de thème à un tableau de la qualité de celui qui
nous occupe. Le graveur s’est-il exceptionnellement inspiré d’une peinture, ou
bien est-ce l’inverse?
Ajoutons que ses estampes durent avoir grande notoriété. Dès le xv° siècle,
elles étaient l’objet de copies, et M. Loga nous a récemment montré Michel
Wolgemut tirant de la Généalogie de la Vierge des motifs pour illustrer les Grandes
Chroniques de Nuremberg1 2. Rencontre étrange à qui songe qu’on avait pensé,
dès le début de ce siècle, à faire, du graveur W" /(^, le maître de Michel
Wolgemut.
J’en ai dit assez pour montrer que le nouveau livre du savant conservateur
des estampes de Dresde constitue une adjonction des plus précieuses à l’histoire
des commencements de la gravure en taille-douce. Par la sûreté, par l’abon-
dance des informations, par la sagacité des aperçus et l’excellence des repro-
ductions, il prend place au nombre des sources les plus précieuses auxquelles
puissent recourir l’iconophile et le curieux.
H. H.
1. 11 eut pour premier acquéreur M. Stéphen Bourgeois, à Paris, chez qui j’ai eu la
satisfaction de pouvoir l’étudier.
2. Annuaire des Musées royaux (Jahrbuch der k. preussischen Kunstsammlungen).
t. XVI, p. 224.