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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 16.1896

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Nr. 3
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Reinach, Théodore: Pour la tiare d'Olbia
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https://doi.org/10.11588/diglit.24682#0242

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

invoquée. Un collectionneur romain, qui ne connaissait la tiare que
par ouï-dire, la condamnait par dépêche. Un amateur russe, qui ne
l’avait pas vue davantage, savait même où elle avait été fabriquée.
D’arguments point, mais qu’en est-il besoin quand on se borne à
nier? Omis probandi incumbit ei qui dicit, non ei qui negat. Et les
« nieurs » avaient la partie d’autant plus belle que la provenance
exacte du trésor était ignorée ou dissimulée par les intermédiaires,
que les objets d’or sont ordinairement dépourvus de toute oxy-
dation pouvant fournir un certificat matériel d’antiquité, enfin que
l’acquéreur était le Louvre, c’est-à-dire l’Etat, le maître, l’ennemi
commun.

Aux conversations de couloirs succéda bientôt une campagne de
presse. Ce fut un professeur de Saint-Pétersbourg, M. Wcsselovsky,
qui attacha le grelot. Dans une lettre adressée à la Novoié Vrémia
et que le Petit Journal s’empressa de communiquer à ses « trois mil-
lions de lecteurs, » il déclara la tiare « fausse, absolument fausse ».
Peut-être eût-il bien fait de s’en tenir à cette simple affirmation.
Malheureusement, M. Wesselovsky eut l’imprudence d’ajouter que
l’acquisition du Louvre sortait de la même « fabrique » d’Otchakow
d’où plusieurs objets d’orfèvrerie avaient récemment pris leur vol
vers les musées d’Europe. Or, le hasard voulait que certains de ces
objets, entre autres une couronne digne d’un Dagobert de guignol,
eussent, été tout récemment présentés aux conservateurs du Louvre,
qui en avaient pris des photographies. Il suffisait de placer ces gro-
tesques contrefaçons, sans composition, sans style, sans ciselure, en
regard du « Trésor d’Olbia », pour faire sentir toute la différence qui
sépare l’œuvre des faussaires modernes de celle des vieux orfèvres
hellènes. Les rieurs furent, pour une fois, du côté des représentants
de l’Etat. Vainement un journaliste tenta de prolonger le débat en
l’obscurcissant, et mit en balance « l’autorité » de M. Wesselovsky
avec celle de M. de Villefosse et de ses collègues. Précisément à ce
moment, une bonne fortune amenait à Paris M. de Iviescritzky, con-
servateur des antiques de l’Ermitage, qui, en sa qualité de gardien
de plus de seize mille objets d’orfèvrerie antique, est probablement,
à l’heure actuelle, l’homme du monde le plus compétent sur ce cha-
pitre. M. de Kieseritzky était parti de Saint-Pétersbourg avec des
sentiments plutôt tièdes, sceptiques même, à l’égard de l’acquisition
du Louvre; il vint, il vit, il fut vaincu. Avec une parfaite loyauté, qui
honore le savant autant que le fonctionnaire, il autorisa M. Kæmpfen
à déclarer en son nom qu’il considérait la tiare et la parure comme
 
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