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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
en présence de la tiare et de la parure du Louvre, n’a rien trouvé de
suspect dans leur coloration, naturelle ou artificielle. Le caractère
exact do cette coloration est un point d’importance secondaire, qu’il
appartient aux chimistes d’élucider ; en tout cas, faut-il retenir que
ce n’est pas « çà et là » qu’on l’observe, mais sur toute la surface
interne aussi bien qu’externe de la tiare, partout où il s’est trouvé un
creux ou une saillie pour la retenir.
Passant de la matière à l’ouvrage, M. Furtwængler examine
d’abord les grandes compositions héroïques qui décorent la zone
moyenne de la tiare; il n’y voit qu'un salmigondis confus [ein buntes
Gemisch, ein wüstes Sammelsurium) de motifs empruntés aux œuvres
et aux époques les plus diverses, du v°au ior siècle avant J.-G., entre-
lardé de quelques méprisables inventions originales. — J’ai déjà dit
à propos du décor ornemental, je ne puis que répéter à propos du
décor figuré, que le caractère auquel M. Furtwængler croit recon-
naître le plus sûrement la « main du faussaire » est celui-là même
qui, pour tout juge non prévenu, atteste le plus éloquemment l’au-
thenticité de l’ouvrage et confirme la date que lui assigne l'inscrip-
tion. Que la tiare de Saïtapharnès soit du me ou du ne siècle avant
J.-G. (on ne peut raisonnablement hésiter qu’entre ces deux époques),
il est certain qu’elle relève d’un art qui avait déjà perdu toute fraî-
cheur, toute naïveté, presque toute puissance créatrice, qui vivait
de souvenirs, ployant sous le fardeau de son érudition. L’arl macédo-
nien — qu’on me passe le mot —■ est essentiellement un art de macé-
doine. A part quelques exceptions brillantes, il n’invente plus, il
combine, il compile les motifs créés par les âges antérieurs ; sa
personnalité ne s’affirme guère que par la recherche de l'effet et
le raffinement de l’exécution. Ce caractère est celui de la poésie
alexandrine, depuis Callimaque jusqu’à Nicandre et à leur imitateur
romain Ovide ; il est aussi celui de la sculpture et de la peinture de
cette période. A plus forte raison doit-il se rencontrer dans une
branche d’art, après tout secondaire, comme l’orfèvrerie, à laquelle
la clientèle hellénique ou barbare ne demandait pas, même à la
meilleure époque, des sensations ni des idées nouvelles, mais la
reproduction, la variation habile de thèmes favoris et de motifs déjà
connus ; quant aux disparates qui pouvaient résulter de là, on ne
s’en préoccupait guère : l’on comptait sur l’unité et l’esprit de la
facture pour les effacer. Comment s’étonner dès lors de retrouver
dans la tiare de Saïtapharnès un procédé de composition qui est
déjà celui, par exemple, de l’auteur, bien autrement doué, du « sap^
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en présence de la tiare et de la parure du Louvre, n’a rien trouvé de
suspect dans leur coloration, naturelle ou artificielle. Le caractère
exact do cette coloration est un point d’importance secondaire, qu’il
appartient aux chimistes d’élucider ; en tout cas, faut-il retenir que
ce n’est pas « çà et là » qu’on l’observe, mais sur toute la surface
interne aussi bien qu’externe de la tiare, partout où il s’est trouvé un
creux ou une saillie pour la retenir.
Passant de la matière à l’ouvrage, M. Furtwængler examine
d’abord les grandes compositions héroïques qui décorent la zone
moyenne de la tiare; il n’y voit qu'un salmigondis confus [ein buntes
Gemisch, ein wüstes Sammelsurium) de motifs empruntés aux œuvres
et aux époques les plus diverses, du v°au ior siècle avant J.-G., entre-
lardé de quelques méprisables inventions originales. — J’ai déjà dit
à propos du décor ornemental, je ne puis que répéter à propos du
décor figuré, que le caractère auquel M. Furtwængler croit recon-
naître le plus sûrement la « main du faussaire » est celui-là même
qui, pour tout juge non prévenu, atteste le plus éloquemment l’au-
thenticité de l’ouvrage et confirme la date que lui assigne l'inscrip-
tion. Que la tiare de Saïtapharnès soit du me ou du ne siècle avant
J.-G. (on ne peut raisonnablement hésiter qu’entre ces deux époques),
il est certain qu’elle relève d’un art qui avait déjà perdu toute fraî-
cheur, toute naïveté, presque toute puissance créatrice, qui vivait
de souvenirs, ployant sous le fardeau de son érudition. L’arl macédo-
nien — qu’on me passe le mot —■ est essentiellement un art de macé-
doine. A part quelques exceptions brillantes, il n’invente plus, il
combine, il compile les motifs créés par les âges antérieurs ; sa
personnalité ne s’affirme guère que par la recherche de l'effet et
le raffinement de l’exécution. Ce caractère est celui de la poésie
alexandrine, depuis Callimaque jusqu’à Nicandre et à leur imitateur
romain Ovide ; il est aussi celui de la sculpture et de la peinture de
cette période. A plus forte raison doit-il se rencontrer dans une
branche d’art, après tout secondaire, comme l’orfèvrerie, à laquelle
la clientèle hellénique ou barbare ne demandait pas, même à la
meilleure époque, des sensations ni des idées nouvelles, mais la
reproduction, la variation habile de thèmes favoris et de motifs déjà
connus ; quant aux disparates qui pouvaient résulter de là, on ne
s’en préoccupait guère : l’on comptait sur l’unité et l’esprit de la
facture pour les effacer. Comment s’étonner dès lors de retrouver
dans la tiare de Saïtapharnès un procédé de composition qui est
déjà celui, par exemple, de l’auteur, bien autrement doué, du « sap^