Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 16.1896)

DEUX DESSINS D’INGRES

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du lion ; sous le trait sans merci, ils discernent des caresses, des
enroulements sveltes, la rondeur expressive d’un style tout à la fois
si viril et si féminin.

Ingres a peint plus tard Mmo Leblanc, son amie ; lorsqu’il la
dessinait seulement, il était amoureux déjà des beaux ovales, des
courbes lasses qui se marient avec langueur. Dans l’ovale du
visage, peut-être qu’il écarte à dessein les yeux; peut-être que ce
grand bras fou, qu’il indique à peine, est pour ainsi dire une con-
vention poétique. Presque tous les dessins du maître ont ce double
caractère de défi et de triomphe. Mais voyez, à côté, l’ingrate figure
de M. de Norvins et sa bourgeoise impassibilité. Ne nous est-elle
pas conservée comme par le plus fidèle et le plus inconscient des
traducteurs mécaniques? Ici l’acuité du travail a la rigueur d’un
procès-verbal ; et pourtant, ce sont encore des courbes naissant les
unes des autres, enveloppant toute la figure, exprimant le relief et
les plans, comme le burin d’un graveur qui attaquerait, sans repentir,
un impérissable métal.

A . il,