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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 16.1896

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Nr. 4
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Michel, Émile: Alfred de Curzon: ses études de paysage
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https://doi.org/10.11588/diglit.24682#0301

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

colline sacrée, il guettait les heures les plus proprices pour tracer,
avec l’émotion d’un cœur épris, des images qui répondissent à son
admiration. L’une des plus précieuses, assurément, est l’aquarelle où
il a représenté les colonnes encore debout du temple de Jupiter. Caressés
par une douce lumière, les fûts cannelés s’élèvent dans un ciel lim-
pide et des ombres transparentes accusent nettement leurs fines mou-
lures. Ces proportions exquises, ces lignes élégantes et ces nuances
délicates sont indiquées d’une main si légère et si sûre que le travail,
dans sa facile spontanéité, semble immatériel. Sans qu'on songe à
l’habileté extrême de l’exécution, l’artiste s’adresse directement à
votre esprit et, par les pensées qu’il évoque, vous transporte dans un
monde supérieur. En quelques traits, avec ce peu de couleurs pâles,
diluées, il a produit un chef-d’œuvre de grâce et d’indicible poésie.

D’Athènes, dont il eut peine à se détacher, de Curzon fit plu-
sieurs excursions à Sparte, à Phigalie, à Corinthe, avec Charles
Garnier auquel s’était joint Edmond About. Ce dernier réunissait
alors les éléments de ce livre de La Grèce contemporaine, dont la
publication allait bientôt faire un si beau tapage. Le scepticisme
gouailleur d’About n’était, sans doute, guère du goût de Curzon qui,
élevé dans le respect des grandes idées et des grandes choses, dut être
froissé plus d’une fois des gamineries irrévérencieuses de son com-
pagnon. On fit cependant jusqu’au bout bon ménage et, tout en le
trouvant un peu triste, About conçut même pour ce peintre si tra-
vailleur, si sincère et si modeste, une estime affectueuse dont, à peu
de temps de là, on retrouve la trace dans les critiques du spirituel
écrivain. Au travers du ton de plaisanterie qui lui est habituel perce
je ne sais quelle déférence pour le caractère de l’homme avec lequel
il a vécu. « Il a sa manière, dit-il, une manière sobre et distinguée,
toujours consciencieuse et jamais médiocre, un peu froide et cepen-
dant élégante; tableaux couleur de vertu, peinture d’honnête homme.
Ses trois Paysages de la campagne d’Athènes sont d’une grande vérité.
Si vous voulez connaître le sol maigre de l’Attique, la terre pou-
dreuse, les arbres haletants, les temples désolés qui entourent la
capitale du roi Othon et la triste parodie d’Athènes, regardez les
tableaux de M. de Curzon; tout est là. Il a tout vu, tout compris, tout
rendu, excepté peut-être l’éclat du soleil qui cuisait ses mains comme
des écrevisses lorsque nous chevauchions côte à côte sur les cailloux
brûlants de l’ilissus1. » Et deux ans après, au Salon de 1837 où les

1. Edmond About, Voyage à travers l’Exposition universelle de 1831, p. 216.
 
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