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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 16.1896

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Nr. 6
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Servières, Georges: L' anneau du Niebelung à Bayreuth en 1896, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24682#0534

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L’ANNEAU DU NIEBELUNG

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deux autres pour la grande-duchesse de Saxe et pour la princesse de Prusse,
Augusta, la future impératrice d’Allemagne. Le drame ne devait être livré au
public qu’en 1863.

Dans plusieurs des écrits de Wagner est attestée la joie avec laquelle, après
une interruption de toute production musicale qui dura cinq ans, il se mit, en
novembre 1853, à la composition de l’Or du Rhin. On sait que le chant des Filles
du Rhin lui avait été inspiré, quelques mois avant, par la contemplation nocturne
du golfe de la Spezzia. En mai 1854, Rheingold était terminé et, le mois suivant,
Wagner commençait la partition de la Walküre; le travail était mené à terme
jusqu’à complète instrumentation (avril 1856). Puis, au mois de novembre sui-
vant, il commença le premier acte de Siegfried. Dans l’été de l’année 1857, il
était arrivé jusqu’à la moitié du second, dans la notation de l’esquisse musi-
cale, bien entendu. A ce moment, désespérant de jamais arriver au public dans
les conditions rêvées par lui, avec un aussi immense ouvrage, il voulut tenter
l’aventure avec une œuvre plus courte et il abandonna Siegfried pour Tristan. En
juin, il écrivit à Liszt : « J’ai conduit mon jeune Siegfried dans la belle solitude
de la forêt; là, je l’ai laissé sous le tilleul, et, avec des larmes du fond du cœur,
j’ai pris congé de lui. » Wagner traversait une crise d’amer découragement qui
se reflète dans le pessimisme de Tristan et Isolde. Depuis deux ou trois ans, il
avait été obligé de renoncer à l’idée qu’il avait eue d’ériger à Zurich un théâtre
spécial pour l’exécution de ses œuvres et principalement de VAnneau du Niebelung ;
il avait récemment fait offrir, pour 1000 thalers (3750 fr.) par acte, la partition
des deux premières parties de la Tétralogie à l’éditeur Hærtel, de Leipsig, qui
avait refusé de l’acquérir. Il dut, dès lors, interrompre pendant plus de dix ans la
composition de son œuvre capitale. Pendant son séjour à Munich, en 1865, il
voulut s’y remettre, mais, bientôt obligé de reprendre le chemin de la Suisse, il
n’eut pas le temps d’avancer sa besogne. C’est à Triebschen, près Lucerne, qu’en
1869, Wagner termina l’esquisse de Siegfried et commença celle de la Gœtterdæm-
merung, dont le troisième acte fut écrit en 1872; l’instrumentation de la dernière
partie de la Tétralogie était terminée le 24 novembre 1874. On voit que, tandis que
le poème avait été commencé par le dénouement, la musique, au contraire, a été
écrite dans l’ordre chronologique, avec une longue interruption pendant laquelle
se place la composition de Tristan et des Maîtres-Chanteurs. On s’en douterait,
d’ailleurs, à entendre ces quatre partitions dans leur ordre normal, car, dans le
maniement du leitmotiv, où Rheingold le montre encore un peu inexpérimenté
le compositeur devient par la suite de plus en plus habile. La trame en est tou-
jours plus serrée, plus complexe, les combinaisons plus savantes. Dans cet art
particulier, Wagner atteint enfin à une maîtrise prodigieuse, qui trouve son épa-
nouissement suprême dans Gœtterdæmmerung. C’est de cet ouvrage surtout que
M. Sairit-Saëns a pu dire naguère que Wagner avait « sculpté son œuvre, comme
les patients ciseleurs de pierre du moyen âge sculptaient les cathédrales ». Quand
on en lit la partition, on demeure ébloui des merveilles d’invention harmonique,
de décomposition rythmique qu’imagina le compositeur, surtout dans l’agré-
gation et la transformation des motifs déjà connus. Par exemple, l’altération
du thème du Tarnhelm en thème du Philtre est prodigieuse. Quel art souve-
rain dans l’agrandissement du thème du Walhall contrepointé à celui de la
Lance,, dans la combinaison du thème des Nornes avec celui du Destin, dans
 
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