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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 27.1902

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Nr. 2
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Dukas, Paul: Chronique musicale
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https://doi.org/10.11588/diglit.24809#0180

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CHRONIQUE MUSICALE

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l’épée, au premier acte, ait une tout autre signification que celle qui s’impose
immédiatement au spectateur non prévenu. Cette scène se joue non seulement
entre Siegfried et Mime, mais entre ces deux personnages et Wotan, de qui
l’épée, trouvée au trésor des Nibelungen et dédaignée par les géants, doit libérer
le monde de la malédiction de l’or. Brisée une première fois par le dieu lui-même
entre les mains de Siegmund, elle renaît par la flamme et le marteau au chant
joyeux de Siegfried forgeant lui-même l’instrument de sa victoire. Au troisième
acte, Wotan lui opposera encore, en une suprême révolte de sa divinité, la lance
sacrée, gardienne des traités, qui, autrefois, mit en pièces Nothung. Mais cette
fois, c’est l’arme du dieu qui volera en éclats sous les coups du héros, accomplis-
sant, malgré Wotan et pour Wotan, ce dont Brünnhilde, éveillée, sera désormais
seule consciente, quand, Siegfried mort par elle, elle reprendra l’anneau fati-
dique pour le rendre aux flots purs du Rhin.

C'est dans l’exil, à Zurich, en 1856, que Wagner commença la composition
musicale de la seconde partie de l'Anneau du Nibelung. Nous pouvons suivre les
progrès de son travail par sa correspondance avec Liszt, dont la traduction fran-
çaise, publiée par L. Schmitt, a paru en 1900 chez Breitkopfet Hærtel. Le 12 juil-
let 1856, Wagner, qui avait depuis peu achevé la Valkyrie, écrit à son ami, après
des confidences d’embarras matériels, qu’il « espère reprendre bientôt courage
et commencer enfin Siegfried ». Sept mois après, le maître donne à Liszt des
nouvelles de son œuvre qui ne le montrent pas fort en train ; comme il lui arrive
souvent, il se répand en doléances qui ne font que trop voir à quel point sa vie
était, à cette époque, malheureuse et troublée. Ce fragment du 27 janvier 1857,
relatif h Siegfried, vaut d’être cité en entier :

« ... Je n’ai pas encore retrouvé la disposition d’esprit nécessaire pour écrire
à cette bonne princesse et à la chère enfant. J’enrage de me montrer toujours
sous des dehors aussi lamentables : aussi faut-il que j’attende une heure de répit,
à moins de vouloir vous tromper. Toi, tu es habitué à mes jérémiades, et tu n’at-
tends pas autre chose de moi. Ma santé vient encore de décliner au point que,
depuis dix jours que j’ai terminé l’ébauche du premier acte de Siegfried, il m’a
été impossible d’écrire une mesure de plus, sans être chassé de mon travail par
les maux de tête les plus inquiétants. Tous les matins, je m’assieds à mon bureau,
je regarde mon papier d’un œil hébété, et suis heureux à la fin quand j’arrive à
lire Walter Scott. Je viens encore de me surmener; comment faire pour me
ragaillardir? Dans cette situation, l’Or du Rhin a marché encore allègrement ;
mais déjà la Valkyrie m’a bien fait souffrir. Je suis (en ce qui concerne mon
système nerveux) comme un piano détraqué, et c’est d’un pareil instrument qu’il
faut que je tire le Siegfried. C’est on ne peut mieux ! Les cordes finiront par
sauter, je suppose, et alors tout sera dit. Bah ! nous n’y pouvons rien changer !
Mais c’est tout de même une vie de chien !... » Le 8 février 1857, Wagner parle
de nouveau de Siegfried, mais il ne semble pas que son travail ait beaucoup
avancé en ces quelques jours. La lettre du maître le montre à peu près au même
point que le mois précédent : « J’ai fini la composition de mon premier acte ; je
compte l’orchestrer dès que je me serai un peu remis ; ce travail m’occupera tant
que je resterai dans mon appartement actuel. Je ne puis plus songer à reprendre
la composition ici ; j’ai trop souffert, dans ces derniers temps, du bruit, musical
et non musical, qui se fait dans cette maison. »
 
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