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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 27.1902

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Nr. 4
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Bouyer, Raymond: Félix Buhot et son œuvre au Musée du Luxembourg
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https://doi.org/10.11588/diglit.24809#0313

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FÉLIX B U H 0 T ET SON OEUVRE AU LUXEMBOURG 287

jouant avec l’encre en magicien. Jusqu’à la manie parfois, il va multi-
pliant les variantes, les métamorphoses, les « états » successifs qui ne
proviennent souvent, chez lui, que des différences du tirage; brus-
quement, il fail la nuit sur la Taverne du Bagne : et Rembrandt,
depuis Méryon, n’a point d’héritier plus singulier... La« belle épreuve »
le hante à son tour. Jonglant sur les mots, — ce que le français
permet plus d’une fois, — il écrit à un confident de son mal : « Les
épreuves m’ont mangé tout entier, temps et cervelle ; aujourd’hui,
tout cet amas de papiers noircis, si difficile à classer parfois, c’est
là le tourment, c’est le poids de ma vie... » Là encore, les affinités
secrètes le tracassent : Buhot veut que le choix du papier réponde au
choix du sujet. Si l’impression des eaux-fortes est un « art plein de
mystères » et d’attraits, si la morsure est « un monstre aux cent
griffes » avec lequel il faut engager une lutte incessante, « le fili-
grane est le blason du papier, particulièrement des beaux papiers
anciens à la forme... » Et l’artiste ne se contente plus de la noblesse
des beaux vélins, des Hollande verts ou bistrés; il corse la sympho-
nie en créant les « papiers essencés », imbus de térébenthine, avec
ces aspects humides et ternes de buvard qui devaient le conduire à
la lithographie renaissante. Avec lui, l’eau-forte du « siècle dernier »
touche aux confins de l'orchestration. Poète et névropathe, Félix
Buhot est le Berlioz attardé du clair-obscur. Il a rajeuni le roman-
tisme, en renouvelant la vision par l’observation.

L’écrivain possédait le mordant du graveur : il signait Pointe
Sèche ; et Pointe Sèche rappelait Tohub. Son portrait reste incomplet,
sans les écrits. Ce lettré, qui savait tourner d’exquises lettres, qui
troussait une fantaisie sur Le Parapluie, aussi enlevée que l'eau-fortc
qui porte ce titre ou que ses beaux dessins gouachés, avait débuté,
vers 1875, dans le Paris à T eau-forte de Richard Lesclide, à côté
des planches fraternelles des Guérard et des Gœncutte. De 1884 à
1889, le Journal des Arts publie ses articles. Buhot soutient ses idées
sur la « belle épreuve », examine en érudit les « filigranes des vieux
papiers », présage le réveil de la gravure originale et de la litho-
graphie déchue, révèle des peintres-graveurs d’outre-mer et d’outre-
Manche; son humour compare joliment le whistlérisme et le pissar-
risnie, soit les deux aspects, alors nouveaux, de l’impressionnisme ;
sa reconnaissance de peintre ami des fines brumes écrit la préface
du catalague pour une exposition du trop modeste et si moderne
Eugène Boudin (1889), de même qu'il parlera sympathiquement,
en 1896, du vieux coloriste romantique Auguste Boulard.
 
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