DOI Heft:
Nr. 2
DOI Artikel:Marcel, Henry: Les Salons de 1902, 4
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LES SALONS DE 1902
141
Paillard. Les lithographies de M. Désiré-Lucas, Bénédicité et Conte
de grand’mère, sont, à mon avis, préférables à ses tableaux ; l’effet
en est plus simple, et les noirs du crayon gras lui donnent sans
peine ces belles valeurs d’ombre qu’il besognait à chercher dans des
mixtures bitumineuses. Une mention est due aux jolies scènes d’in-
timité de MM. Lebasque et Huvey. M. Lunois subit un temps d’arrêt;
ses planches en couleurs n’arrivent pas aux transparences légères
de ses pastels et de ses monotintes. M. Rivière compose excellem-
ment, mais l’atmosphère manque parfois à ses paysages, dont il se
trouverait bien de dégrader plus souvent les plans par des valeurs
et non par des lignes. Les gypsographies de M. Pierre Roche ont
une séduction très particulière : son Massif des Biablerets, sa Venise,
son Bruges, donnent justement, dans leur exiguïté, cette sensation
d’éloignement et d’espace qui manque parfois aux images du pré-
cédent.
Le lecteur me dispensera de coudre une conclusion à ce trop
long exposé. S’il a bien voulu m’accompagner dans mes prome-
nades, il sait maintenant, en dépit des nombreux oublis que j’ai dû
commettre et des graves réserves qu’il m’est arrivé de formuler au
sujet d’artistes en vue, quelle imposante moisson a fournie cette
année, quelle intense vitalité elle dénote dans tous les ordres de la
production, quel effort de renouvellement se manifeste à tous les
rangs, même aux plus élevés. La confusion et le désordre apparents,
dont on entend çà et là se plaindre, témoignent, plus que toute
autre chose, de l’abondance des vocations et de la sincérité des
recherches. Que sortira-t-il de ce bouillonnement de fournaise?
Quelles tendances prévaudront. Quels inconnus frapperont cette
génération à leur marque? C’est le secret de demain, mais je serais
bien surpris si quelques-uns des jeunes noms que j’ai cités n’étaient
d’ores et déjà promis à la gloire. Il ne reste qu’à souhaiter à tous
ces talents ingénus et sincères, à tous ces ouvriers laborieux, tenaces,
souvent héroïques, un public qui ait l’intelligence de les comprendre,
et, au travers des préoccupations pécuniaires des uns, des envahis-
santes manies sportives des autres, le temps de les suivre et la
volonté de les aider.
HENRY MARCEL
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Paillard. Les lithographies de M. Désiré-Lucas, Bénédicité et Conte
de grand’mère, sont, à mon avis, préférables à ses tableaux ; l’effet
en est plus simple, et les noirs du crayon gras lui donnent sans
peine ces belles valeurs d’ombre qu’il besognait à chercher dans des
mixtures bitumineuses. Une mention est due aux jolies scènes d’in-
timité de MM. Lebasque et Huvey. M. Lunois subit un temps d’arrêt;
ses planches en couleurs n’arrivent pas aux transparences légères
de ses pastels et de ses monotintes. M. Rivière compose excellem-
ment, mais l’atmosphère manque parfois à ses paysages, dont il se
trouverait bien de dégrader plus souvent les plans par des valeurs
et non par des lignes. Les gypsographies de M. Pierre Roche ont
une séduction très particulière : son Massif des Biablerets, sa Venise,
son Bruges, donnent justement, dans leur exiguïté, cette sensation
d’éloignement et d’espace qui manque parfois aux images du pré-
cédent.
Le lecteur me dispensera de coudre une conclusion à ce trop
long exposé. S’il a bien voulu m’accompagner dans mes prome-
nades, il sait maintenant, en dépit des nombreux oublis que j’ai dû
commettre et des graves réserves qu’il m’est arrivé de formuler au
sujet d’artistes en vue, quelle imposante moisson a fournie cette
année, quelle intense vitalité elle dénote dans tous les ordres de la
production, quel effort de renouvellement se manifeste à tous les
rangs, même aux plus élevés. La confusion et le désordre apparents,
dont on entend çà et là se plaindre, témoignent, plus que toute
autre chose, de l’abondance des vocations et de la sincérité des
recherches. Que sortira-t-il de ce bouillonnement de fournaise?
Quelles tendances prévaudront. Quels inconnus frapperont cette
génération à leur marque? C’est le secret de demain, mais je serais
bien surpris si quelques-uns des jeunes noms que j’ai cités n’étaient
d’ores et déjà promis à la gloire. Il ne reste qu’à souhaiter à tous
ces talents ingénus et sincères, à tous ces ouvriers laborieux, tenaces,
souvent héroïques, un public qui ait l’intelligence de les comprendre,
et, au travers des préoccupations pécuniaires des uns, des envahis-
santes manies sportives des autres, le temps de les suivre et la
volonté de les aider.
HENRY MARCEL