DOI Heft:
Nr. 5
DOI Artikel:Forthuny, Pascal: Correspondance d'Allemagne
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.24810#0454
CORRESPONDANCE D’ALLEMAGNE
l est impossible, lorsqu’on séjourne quelque temps
en Allemagne, de ne pas être frappé par une con-
tradiction singulière. Politiquement, l’agrégation
des petits États dont se constitue le grand empire
est de jour en jour plus définitive. En dépit de
mille froissements que, d’ailleurs, nous ne connais-
sons pas tous, l’État allemand offre au monde le
spectacle d’une cohésion parfaite. C’est presque
un lieu commun que de souligner cette sorte de
discipline morale qui, désormais, y commande à
toutes les ambitions et à tous les orgueils et nivelle les sourdes velléités de cha-
cun sous la pression de ce principe jamais oublié : la grandeur de la nation
germanique.
Et cependant, en toutes choses, un curieux sentiment guide les provinces, de
la Bavière à la Prusse, comme de Carlsruhe à Posen : le désir de surpasser, d’at-
teindre à une prééminence. Ce n’est certes pas du séparatisme, car il y a beau temps
que l’on ne songe plus sérieusement à discuter au roi de Prusse la couronne de
l’Empire : c’est la fierté de provinces diverses qui n’ont pas encore eu le temps
de s’incorporer assez au bloc allemand pour oublier les qualités propres qui les
différenciaient autrefois, encore qu’elles fussent toutes de race pareille. C’est là,
à vrai dire, un particularisme resté très vivace, malgré l’unification à laquelle
chacun de ces centres dut se plier, et qui tend aujourd’hui à une série de décen-
tralisations dont le spectacle n’est pas sans intérêt pour l’économiste et, en général,
pour qui prend la peine d’observer. En industrie comme en toute autre branche
de l’activité nationale, en art aussi, chacune des régions allemandes s’applique à
donner la preuve d’une volonté, d’une force.
Düsseldorf fait-elle une exposition? Elle agit en sorte que personne n’ignore
son activité en métallurgie, ses fabriques de canons, ses aciéries. Carlsruhe
célèbre-t-elle le cinquantenaire du règne de son grand-duc ? C’est l’occasion d’une
exposition artistique où le ban et l’arrière-ban des ateliers de la contrée apporte,
pour un imposant total, toute une production en quoi l'on peut reconnaître un
effort plus que jamais actif et unanime. Baden-Baden, moindre cité, que le voisinage
de Karlsruhe eût dû faire hésiter, ne se retient par d’inaugurer en grande so-
l est impossible, lorsqu’on séjourne quelque temps
en Allemagne, de ne pas être frappé par une con-
tradiction singulière. Politiquement, l’agrégation
des petits États dont se constitue le grand empire
est de jour en jour plus définitive. En dépit de
mille froissements que, d’ailleurs, nous ne connais-
sons pas tous, l’État allemand offre au monde le
spectacle d’une cohésion parfaite. C’est presque
un lieu commun que de souligner cette sorte de
discipline morale qui, désormais, y commande à
toutes les ambitions et à tous les orgueils et nivelle les sourdes velléités de cha-
cun sous la pression de ce principe jamais oublié : la grandeur de la nation
germanique.
Et cependant, en toutes choses, un curieux sentiment guide les provinces, de
la Bavière à la Prusse, comme de Carlsruhe à Posen : le désir de surpasser, d’at-
teindre à une prééminence. Ce n’est certes pas du séparatisme, car il y a beau temps
que l’on ne songe plus sérieusement à discuter au roi de Prusse la couronne de
l’Empire : c’est la fierté de provinces diverses qui n’ont pas encore eu le temps
de s’incorporer assez au bloc allemand pour oublier les qualités propres qui les
différenciaient autrefois, encore qu’elles fussent toutes de race pareille. C’est là,
à vrai dire, un particularisme resté très vivace, malgré l’unification à laquelle
chacun de ces centres dut se plier, et qui tend aujourd’hui à une série de décen-
tralisations dont le spectacle n’est pas sans intérêt pour l’économiste et, en général,
pour qui prend la peine d’observer. En industrie comme en toute autre branche
de l’activité nationale, en art aussi, chacune des régions allemandes s’applique à
donner la preuve d’une volonté, d’une force.
Düsseldorf fait-elle une exposition? Elle agit en sorte que personne n’ignore
son activité en métallurgie, ses fabriques de canons, ses aciéries. Carlsruhe
célèbre-t-elle le cinquantenaire du règne de son grand-duc ? C’est l’occasion d’une
exposition artistique où le ban et l’arrière-ban des ateliers de la contrée apporte,
pour un imposant total, toute une production en quoi l'on peut reconnaître un
effort plus que jamais actif et unanime. Baden-Baden, moindre cité, que le voisinage
de Karlsruhe eût dû faire hésiter, ne se retient par d’inaugurer en grande so-