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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 28.1902

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Nr. 5
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Müntz, Eugène: L' école de Fontainebleau et le Primatice, 3: à propos d'un livre récent
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https://doi.org/10.11588/diglit.24810#0453

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418

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

par les novateurs de Fontainebleau, et que les peintres restés dans les Flandres
subirent à leur tour le joug du Primatice. Tout tend à prouver, dit excellem-
ment M. Dimier, que « Fontainebleau a été en ce temps-là, pour les Pays-Bas,
pitalie de ceux qui ne purent passer les monts ». Et il cite comme exemple :
Frans Floris, Zustris, Corneille de Haarlem, Lambert van Noort, Spranger,
Antoine Wierix, Vriedman de Vriese et maints autres. Le grand Rubens lui-
même ne dédaigna pas de s’inspirer des peintures du Primatice, lorsqu’il vint
en France pour peindre la galerie du Luxembourg. Enfin, ce fut un Flamand,
Théodore van Thulden, qui grava la galerie d’Ulysse.

En résumé, l'influence de l’école de Fontainebleau ne saurait être exagérée,
et M. Dimier n’a pas dépassé la mesure en rappelant que Palissy composa dans
ce style les encadrements de ses plats, Léonard Limousin les arabesques variées
dont il accompagnait ses émaux, Briot l’ornement de ses étains, que Ducerceau
et Étienne Delaulne s’appliquèrent à répandre en tous lieux les inventions du
Primatice. N’oublions pas non plus que la décoration de Fontainebleau servit de
modèle aux peintres d’Écouen, d’Ancy-le-Franc, d’Oiron.

Si les maîtres de Fontainebleau n’exercèrent pas sur la peinture française
une action plus immédiate ou plus décisive (en réalité, cet art ne se renouvela
qu’au siècle suivant), cela vient de ce que le Rosso, le Primatice, Niccolô dell’
Abbate, représentaient tous des écoles en pleine décadence et que, partant, ils
se trouvaient séparés par des abîmes de nos braves peintres français, qui com-
mençaient à peine à bégayer.

Quelle fatalité que François Ier, avec son extrême bonne volonté et sa libéra-
lité, n’ait pas songé à faire appel aux champions d’écoles plus jeunes et, partant,
en communion d’idées plus intime avec leurs disciples français! Comme leur lan-
gage eut été mieux compris, comme leur enseignement eût porté des fruits plus
savoureux! Si le Valois avait été bien inspiré en faisant appel à Léonard de Vinci
(pouvait-il prévoir sa fin prématurée?) ainsi qu’à Andrea del Sarto (pouvait-il
prévoir sa fugue?), il manqua de clairvoyance dans la suite de ses choix. Vers
1520, les écoles de Rome, de Ferrure, de Milan, comptaient encore de vrais
maîtres : Raphaël, Balthazar Peruzzi, le Sodoma, Jean d’Udine, Bernardino
Luini, Garofalo et tant d’autres. Vers 1530, au contraire, c’en était fait de l’art
italien; à l’exception des écoles de Parme et de Venise, toutes avaient donné la
mesure de leurs forces, dépassé le zénith. Or, quand on considère, à Fontaine-
bleau, les fresques plombées et glacées du Rosso, du Primatice, de Niccolô dell’
Abbate, on pense bien encore à Jules Romain, mais on pense surtout aux Car-
rache, dont l’œuvre, sans en excepter la fameuse galerie Farnèse, nous offre ce
ton livide, ces créations voulues, sans inspiration et sans raison d’être. Suppo-
sons qu’un Vénitien eût été désigné pour décorer Fontainebleau, ou tout simple-
ment que Paris Bordone, qui semble avoir résidé en France de 1538 à 1540,
puis de nouveau en 1559, eût fait un plus long séjour parmi nous : quelle révo-
lution dans les annales de la peinture française! Au lieu d’une école de dessina-
teurs, nous aurions eu une école de coloristes. — A quoi tiennent les destinées
des artistes et celles des peuples !

EUGÈNE MÜNTZ
 
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