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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 28.1902

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Nr. 5
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Müntz, Eugène: L' école de Fontainebleau et le Primatice, 3: à propos d'un livre récent
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https://doi.org/10.11588/diglit.24810#0452

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L’ÉCOLE DE FONTAINEBLEAU ET LE PRIMATICE 417

de mettre dans leurs scènes tant de vigueur et tant de pathétique, de concentrer
l’intérêt sur un petit nombre de figures, de sacrifier les comparses.

L’instinct qui portait nos voisins d’outre-monts à rechercher les effets dra-
matiques n’eût point suffi pour atteindre ce résultat, si la perspective linéaire
n’avait marché à pas de géant; elle leur permit de délimiter les plans, de les
détacher les uns des autres, de former des groupes à la fois nets et pittoresques.
L’ordonnance, perfectionnée par Masaccio, par Mantegna, par Filippino Lippi,
par Fra Bartolommeo et par Raphaël, fit le reste.

11 y avait une autre lacune encore : depuis longtemps nos peintres avaient
perdu le sentiment décoratif, je veux dire le secret de cette union intime et
fécondante entre l’architecture et la peinture. Ce sentiment avait existé pendant
la période romane, à l’état rudimentaire. Il avait disparu, ou peu s’en faut,
devant la tyrannie des architectes gothiques, qui n’accordaient à la peinture
qu’un champ limité. Les anges peints aux voûtes de la chapelle du palais de
Jacques Cœur, à Bourges, nous montrent avec quelle timidité les peintres, même
au xve siècle, se risquaient à marier leurs figures aux lignes architecturales.

Un des mérites de l’école de Fontainebleau — et là-dessus je m’associe sans
réserve au jugement porté par M. Dimier — fut précisément de rompre nos
artistes aux difficultés de la décoration intérieure. « Décore-t-on des apparte-
ments, dit M. Dimier, meuble-t-on des galeries avec des livres d’Heures, avec
des portraits de Clouet, avec les louables intentions de peintres supposés, dont
tout le mérite, au dire de leurs apologistes, aurait été, s’ils eussent existé, de
n’ètre ni brillants, ni savants, ni hardis, ni aisés, ni féconds!... »

Enfin, et surtout, l’école de Fontainebleau nous rendit le service de nous
affranchir du goût flamand. Celui-ci — qui l'ignore? — avait régné sans partage
chez nous depuis le xve siècle; pour la technique, l’ordonnance, les types,
toutes les peintures nées dans l’Ile-de-France, en Touraine, en Bourgogne, en
Provence, sont tributaires des ateliers de Bruges, de Tournai, d’Anvers, de
Bruxelles. Aujourd’hui encore, les musées du Midi de la France regorgent de
tableaux qui passent pour flamands et qui, en réalité, sont français. Te Buisson
ardent de la cathédrale d’Aix, ouvrage authentique de l’Avignonnais Nicolas
Froment, n’a-t-il point passé pour une production des Pays-Bas jusqu’au jour
où Paul Mantz fit la lumière sur ses origines véritables?

Ce n’était donc pas, pour la peinture du moins, avec l’art français que l'art
italien allait se trouver aux prises : c’était avec l’art flamand, acclimaté en
France depuis quelque deux cents ans.

Laquelle des deux écoles personnifiait le principe supérieur : celle qui avait
choisi pour mot d’ordre l'idéalisme, ou bien celle qui prêchait le réalisme à
outrance? La réponse, à mon avis, ne saurait soulever l’ombre d’une difficulté :
par cela seul que les Italiens réussirent à s’assimiler les conquêtes des Flamands
sans modifier leur propre programme l, tandis que les Flamands, du moment où
ils s’inspirèrent des Italiens, ne firent plus que décliner; par cela seul, dis-je,
la conception d’art italienne se trouvait plus large et plus féconde.

Cela est si vrai, que l’art flamand lui-même fut atteint dans ses œuvres vives

1. Le lecteur me permettra de le renvoyer, sur ce point, aux chapitres de mon His-
toire de l’Art pendant la Renaissance, dans lesquels j’ai examiné le problème.

XX Y III.

e PÉRIODE.

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