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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 28.1902

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Nr. 4
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Müntz, Eugène: L' école de Fontainebleau et le Primatice, 2: à propos d'un livre récent
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https://doi.org/10.11588/diglit.24810#0382

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352

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Romain. Elles manquent, au premier chef, de sincérité, d’émotion, de vie, et ici
je me sépare absolument de M. Dimier. C’est un style sautillant et sans fermeté.
On en vient à regretter la dureté et la brutalité de Jules Romain dans ses
fresques de Mantoue : du moins respirent-elles de la conviction. Pareillement,
l’on évoque la saine et robuste beauté des femmes de Raphaël devant cette
mièvrerie sans égale. Sveltes, alanguies, lymphatiques et anémiques, les déesses
et les nymphes de Fontainebleau ont à peine la force d’esquisser un sourire. Et
encore ! Car au fond elles s’ennuient mortellement. Le peu de vitalité qui leur
reste semble concentré sur leurs obligations de cour ; femmes du monde, elles
n’ont d’autre préoccupation que de paraître à l’instar des belles poupées, bien atti-
fées, sans tendresse, sans fougue, sans haine ni amour. Jamais pensée n’a hanté
leur cerveau, jamais passion n’a troublé leur cœur. Du sang de poisson coule dans
leurs veines. Ce sont de belles cariatides, passablement décoratives : rien de plus.
Mais n’en est-il pas de même des nymphes de notre Jean Goujon? Serait-ce donc que
la froideur inhérente à notre école, —je parle de celle du xve au xvie siècle, —
eût gagné nos hôtes d'Italie, disciples du plus fougueux des maîtres, Michel-Ange !

Il n'y avait de place à Fontainebleau que pour la mythologie ; ce n’étaient
qu’habitants de l’Olympe, demi-dieux, nymphes ou satyres, en compagnie des
victimes sans nombre de Jupiter : Danaé, Sémélé, et lutte quante. Bizarre con-
traste qu’une telle résurrection de l’antiquité, au milieu delà splendide forêt aux
ombrages séculaires, aux eaux vives, au milieu de la nature exubérante et
grandiose qui lui servait de cadre! Et encore les peintres de Fontainebleau
furent-ils bien inspirés dans le choix de leurs sujets. Supposez le Rosso ou le
Primatice abordant, dans leur frivolité, l’art religieux : c’eût été un perpétuel
sacrilège ! Mais combien d’autres ressources une époque si brillante, débordant
de vie et de jeunesse, n’offrait-elle pas au pinceau ! Comment des artistes, somme
toute, éminents ne surent-ils pas trouver, dans la représentation des amusements,
des luttes, des victoires, de leurs concitoyens français, la matière de peintures
dignes d’illustrer le palais de leurs rois ] ! Comment se confinèrent-ils ainsi dans
une civilisation morte, dans des symboles privés de sens !

C’est que, si le Primatice brillait par la facilité de l’invention et la distinction
du style, il manquait de convictions profondes, d’inspirations généreuses ; la
fantaisie seule guidait son crayon; le cœur y était étranger. Nous avons affaire
à un décorateur hors ligne, plutôt qu’à un peintre d'histoire. Est-il une seule
scène, une seule allégorie, à laquelle il ait donné une formule vivante et durable,
comme le faisait, avec une telle prodigalité, à ce moment, un Paul Yéronèse?

EUGÈNE MÜNTZ

(La suite prochainement.)

1. Faisons exception pour deux compositions du Rosso : François Ier introduisant
les arts en France et François I°T entrant dans le temple de Jupiter, et pour une autre,
attribuée par M. Reiset à Niccolô dell’Abbate : François Ier venant visiter Fontainebleau
(musée du Louvre; reproduit dans la Gazette des Beaux-Arts de 1859, lro pér., t. 111,
p. 270). Là, du moins, cette époque si vivante est revenue au sentiment de son origi-
nalité et de ses brillantes qualités.

L’imprimeur-gérant : Andrc MARTY.

PARIS. — IMPRIMERIE DE LA « GAZETTE DES BEAUX-ARTS », 8, RUE FAVART.
 
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