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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 28.1902

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Nr. 6
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Cain, Georges: Le legs Dutuit
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https://doi.org/10.11588/diglit.24810#0480

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442

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

cette demeure quasi mystérieuse, close depuis seize ans, c’est-à-dire
depuis la mort de Faîne des Dutuit, car cette collection fut l’œuvre
des deux frères. Chacun y avait apporté ses goûts, ses efforts, ses
recherches, et tous deux y avaient consacré les revenus de leur
très importante fortune. Leur sœur elle-même, Mlle Héloïse Dutuit
(née en 1810, et morte en 1872 à Rouen), avait formé une très pré-
cieuse collection d’ohjels chinois et japonais, de laques, de jades, de
boîtes d'ivoire; elle avait su, par le choix parfait de ces fragiles
objets, apporter ainsi une note féminine et charmante dans cette col-
lection un peu austère.

Eugène Dutuit, né en 1807, mort en 1886, fut le véritable créa-
teur de la collection. Il appartenait à cette génération de gens de
goût qui s’efforcèrent, dans les trente premières années du xixe siècle,
à recueillir les trésors d’art que les sacrilèges, les vandales et les
iconoclastes révolutionnaires avaient méconnus, brisés, mutilés ou
dispersés.

Les passions politiques s’étaient attaquées aux œuvres d’art elles-
mêmes : après avoir anéanti le passé, il paraissait tout naturel d’en
supprimer les traces.

Lin ordre de Chaumette, procureur de la Commune de Paris,
ordonne « le jeudy 25 juillet 1793, de faire disparaître sur la maison
des Mathurins, section de Beaurepaire, les fleurs de lys et autres mar-
ques de féodalité, signes odieux qui blessent les regards des Patriotes ».

Le 1er messidor an II, commence la vente des meubles et objets
précieux du château de Versailles, en présence des commissaires du
Conseil exécutif provisoire; elle durera trois mois!

Une affiche est apposée sur les murs de Paris, qui ordonne la
vente du Petit-Trianon, des vêtements et meubles de la ci-devant
Reine et leur exportation à l’étranger, « en exemption de tous droits »,
et cette affiche néfaste est signée : Delacroix, le père du peintre
Eugène Delacroix; Musset, l’ancêtre d’Alfred de Musset! Ces deux
noms au bas d’un tel document!

Le 23 avril, on met en coupes réglées le château de Chantilly;
les livres, les meubles, les instruments précieux relatifs « aux
sciences, lettres et arts » sont partagés entre diverses collections
nationales. Le 23 mai, la Convention prescrit l’enlèvement des
plombs, cuivres, fourneaux, chaudières, etc., et leur transport à la
Monnaie. Enfin, le mobilier restant est vendu, le 13 août 1793, au
« sieur Gaudineau », et le château de Chantilly lui-même est trans-
formé en prison.
 
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