Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 28.1902

DOI Heft:
Nr. 6
DOI Artikel:
Marx, Roger: L' Exposition internationale d'art décoratif à Turin
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.24810#0554

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
510

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Whistler, et très propre à mettre en valeur, par l’espacement, des créations nées
sous un ciel de brume et de rêve. Je ne méconnais rien des objections qui peuvent
être élevées à l’encontre du mobilier de M. Charles Mackintosh et de M. Herbert
Mac Nair, lorsqu’on se plaît à l'isoler, à l’examiner au strict point de vue des
nécessités pratiques et du confort ; n’empêche qu’il s’accorde au mieux avec l’en-
tour; chaque ensemble réalise une harmonie, atteint à l’unité parfaite; chacun
invite à la vie quiète, au recueillement, à la méditation, à la songerie. Il y a là
l’exemple insigne d’un art autochtone, dont le particularisme se manifeste par-
tout, aussi bien dans les panneaux modelés par Mme Margaret Mackintosh que
dans les compositions délicieuses de miss Jessie King, aussi bien dans les émaux,
dans les tapis, que dans les reliures, les broderies (Mmos Jessie Newbery et Anne
Macbeth), aussi bien dans les travaux des élèves que dans les œuvres des maîtres.

Depuis la dernière Exposition Universelle, d’autres nations encore que l'Alle-
magne semblent être allées résolument de l’avant. Quelques présages heureux
avaient pu être signalés, dès 1900, chez les Hongrois; dans la poterie (M. Groli),
dans la bijouterie (M. Hibjan, M. Huber), dans l’ornementation du cuir (M. Tull),
l’œuvre de rénovation maintenant s’accomplit, à la suggestion du professeur
Horti. La Suède, de son côté, ne se satisfait plus du lustre que lui attiraient,
que lui attirent encore les manufactures de Rorstrand et de Gustafsberg, les
tapisseries de Mme Anna Boberg; elle montre des reliures (M. Hedberg), des étains
(Sanlesonska Tenngjuteyet), dont la mâle beauté dérive d’une entente absolue
des ressources de la matière, et l’on doit, par surcroît, à la fabrique de Rejmjre
des cristaux dignes de prendre rang après les inégalables chefs-d’œuvre d’Émile
Gallé. Dans les Pays-Bas, la joie est donnée d’assister à une pleine expansion
des arts d’ornement; une telle concordance de vues règne entre les poètes de la
matière, qu'à les voir tous tendre vers le même but et suivre les mêmes voies,
on croit presque discerner les éléments constitutifs de Ja nouvelle décoration
néerlandaise; tout au moins est-il loisible d’assurer, dès à présent, que les
batikken de G. W. Dysselhof et de Uiterwyk, les tapis de Colenbrander, les faïences
populaires de Amstelhoek, de Brouwer, les figures en grès de Mendes da Costa,
les orfèvreries de Hoeker, de Zwollo, les porcelaines de la Manufacture royale de
Rozenburg se différencient par un style nettement tranché, à la formation duquel
l’influence des colonies n’est certes pas restée étrangère.

Faute d’entente et d’organisation, la France a reçu une des plus humiliantes
leçons qui aient jamais été infligées à son amour-propre. A juger notre pays
d après ce qu’on voyait de lui à Turin, un rôle bien secondaire lui aurait été
assigné dans l’histoire delà renaissance décorative.En vain imaginerait-on repré-
sentation plus falote, plus incohérente, moins apte adonner la mesure du noble
effort où se sont absorbés, depuis dix années, les meilleures énergies et les
meilleurs talents. Si dur ait été l’avertissement, il doit éviter le retour de sembla-
bles mésaventures. Nous avons coutume de médire des interventions officielles
et il est bien vrai qu’en pareille occurrence, c’est de l’initiative privée qu’il
convient d attendre les décisions utiles; mais mieux eut valu mille fois recourir
a 1 Etat que de se montrer ainsi à son entier désavantage, que de se calomnier,
soi-même, de propos délibéré, aux yeux de l’Europe et du monde !

ROGER MARX
 
Annotationen