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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 6.1911

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Nr. 4
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Flandrin, Louis: Deux disciples d'Ingres, [2]: Paul et Raymond Balze
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https://doi.org/10.11588/diglit.24876#0340

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318

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Au Salon de 1849 figurèrent trois tableaux de Raymond Balze,
un d’inspiration chrétienne, Le Christ calmant la tempête l, et deux
sur un thème profane : Horace à Tibnr, chantant ses poésies aux
Tiburtines ; Néère, le dernier chant. Paul Balze exposait des Odalisques.
Au sujet du tableau d’Horace, nous retrouvons dans les papiers de
Raymond Balze la note suivante, à l’honneur de celui qui l’a écrite
comme de celui qui l’a motivée :

« J’ai grandement à me louer d'un ami du nom de Louis Rambourg. Cet
amateur d’art m’acheta à Rome mon tableau d'Horace à Tibur... Six mois
après, étant a Paris, cet ami entre dans mon atelier et me dit brusque-
ment : « Balze, je ne puis pas vivre avec des remords. — Et quels remords
avez-vous donc? lui dis-je. — Voici, j'ai acheté à un artiste un tableau,
le soldant ce qu’il m'a demandé et mes amis me le reprochent. — Cet
artiste se plaint-il?— Non, que je sache.-—- Alors quel est votre remords?
— Tenez, je vous prie de lui remettre ce papier. Je vous quitte : le train
part dans vingt minutes. » L’enveloppe était sans adresse et l’intérieur
sans écriture, mais contenait deux billets de mille francs.

« C’est la seule fois dans ma vie que j’ai trouvé un Mécène. »

La mort de Mme Ingres (1849) fut un coup terrible pour son mari,
qui perdait, non seulement la compagne de ses bons et de ses mau-
vais jours, mais son guide et sa conseillère de tous les instants.
Outre son chagrin profond, il se trouvait dans la détresse d’un petit
enfant brusquement séparé de sa mère. Les élèves d’Ingres, doulou-
reusement affectés eux-mêmes de cette mort, firent de leur mieux
pour entourer et sauvegarder le pauvre grand homme. Iiippolyte
Flandrin lui donna quelque temps l’hospitalité dans sa propre mai-
son : à Raymond Balze il échut de l’accompagner dans un voyage peu
ordinaire dont plus tard, non sans quelque malice, il a laissé ce récit :

Deux mois après le décès de sa femme, M. Ingres désira visiter les
cathédrales du Nord de [lai France et se rendre ensuite chez M. Marcotte,
son ancien ami, à Mézières. Il me pria de l’accompagner. Arrivés à Amiens,
nous descendons à l’hôtel et tandis que je m’occupais des bagages, je
trouvai M. Ingres, assis sur les marches, la tête dans ses mains. Je me
penche et lui dis : a Seriez-vous souffrant, mon cher maître? — Non, non,
me dit-il; mais, tu vois, je ne peux plus voyager : je perds tout. — Com-
pact aux manœuvres de sauvetage, se démenant comme un vieux loup de mer.
Parmi les pauvres passagers, dont beaucoup avaient tout perdu, il remarqua un
vieillard qui grelottait; aussitôt il lui donna son propre manteau.

1. Actuellement à l’église d’Yssingeaux (Haute-Loire).
 
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