Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (4. Pér. 6.1911)

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

mêlé du dessin, à l’ordonnance sans défaut de l’ensemble, à la
richesse et à l’heureuse association des nuances, en même temps
qu’au soin remarquable apporté aux moindres détails de l’exécution.

C’est que, pour le décor d’un tissu, le mérite de la conception
décorative ne saurait suffire; cette composition ne vaut que si elle

est préparée pour une excel-
lente exécution, un « rendu »
aussi parfait que possible du
modèle dans les étoffes façon-
nées1. Le travail délicat des
légers fils de soie qui s’entre-
croisent, et retracent les lignes
du dessin, le jeu des trames lan-
cées 2 ou brochées3, etc., tout doit
être entièrement prévu par
l’artiste lors de l’établissement
de son esquisse et surtout de la
carte 4, celle-ci étant la traduc-
tion obligatoire, en une sorte
de langage conventionnel, des
manœuvres compliquées que
devront exécuter les fils sur le
métier. De tout ceci résulte
l’obligation, pour le dessinateur
en étoffes, de posséder une
connaissance approfondie de la
technique du tissage. Et l’obli-
gation était encore plus impé-
rieuse au temps de Philippe de
Lasalle, lorsque l’office du com-
positeur et celui du metteur en
carte ne s’exercaient point séparément comme il arrive aujourd'hui.

1. Les tissus à décor tissé sont dits façonnés, le terme signifiant qu’ils
sont fabriqués, façonnés, par la main d’ouvriers qui s’appelèrent longtemps
façonniers en soie.

2. Trame lancée, passant d’une lisière à l’autre de l'étoffe portée par une
navette, lancée autrefois à la main.

3. Trame brochée (ou espoulinée), c’est-à-dire surajoutée par places au tissu,
en plus de la ou des trames de fond au fur et à mesure de la fabrication, au
moyen de petites navettes, dites : espolins.

4. La carte est le report de l’esquisse sur un papier carreauté spécial dit de
« mise en carte ».

TENTURE DE LA CHAMBRE
DE MARIE-ANTOINETTE
SOIERIE BROCHÉE
COMPOSITION DE PH. DE LASALLE
(Palais de Fontainebleau.)