Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (5. Pér. 1.1920)

UN ALBUM DE DESSINS DE REMBRANDT

7

caractérisés dans ses dessins, comme dans ses tableaux, par une facture
détaillée et soigneuse, la fin de son évolution par une facture fougueuse et
large : maître de son métier, Rembrandt ne pense plus qu’à s’exprimer ;
dans ses dessins, où l’on ne remarque aucune recherche du style, ni souvent
même aucune recherche de l’effet, il semble qu’on sente seulement alors
comme une tension pour
exprimer l’inexprimable,
un inexprimable per-
sonnel, une hantise in-
térieure. De ce schéma
général il faudrait pour-
tantse garder d’inférer la
date d’un dessin ; des ana-
logies mêmesid’exécutiôn
ne prouveraient rien. Il
ne faudrait, en tout cas,
comparer entre eux que
des dessins de séries dé-
terminées : notes prises
pour s’instruire, comme
les croquis exécutés
d’après les œuvres d’au-
tres peintres, surtout
d’après des gravures ita-
liennes ou des miniatures
indoues (il y en a des
exemples dans la collec-
tion Donnât) ; griffonnis
destinés uniquement,
semble-t-il, à se faire la main, ou bien à chercher un geste significatif ;
études d’après nature, mais prestement enlevées, ou plutôt exécutées de
souvenir après observation, les yeux fermés une minute sur la vision, et
la réfraction de la mémoire entrant en jeu ; études serrées et curieuses
à 1 atelier ou dehors : nus, animaux, ou études des valeurs et des masses,
des délicatesses du clair-obscur ; compositions ou pensées : premières
pensées véhémentes, c’est-à-dire le sentiment général donné par les ombres
et les lumières, ou recherches successives pour la même pensée, c’est-à-
dire la composition cherchée de profil ou en profondeur, les groupes de per-
sonnages répartis dans la lumière ou l’ombre suivant des procédés classiques
Les dessins se rapportant à tel tableau, telle estampe, pourront-ils du

FIG. 6. - OISEAUX DE PARADIS

DESSIN PAR REMBRANDT
(Musée du Louvre.)