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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
montrant, sous un ciel tourmenté, une quinzaine de personnages à la Callot,
juifs et Romains, groupés dans une sorte d’amphithéâtre composé de ruines
majestueuses, de colonnades rompues, envahies par une végétation hiver-
nale.
Le Martyre de saint Laurent, tableau à très grande échelle, date de 1553 ;
des réfections funestes ont gâté toute sa partie supérieure. L’imitation de
Michel-Ange hantait l’auteur de ce carton : la sculpture est pastichée au point
d’imiter les yeux en ronde-bosse sans paupière ni prunelle.
Le dernier tiers du xvxc siècle opère dans l’art du vitrail une révolution
radicale : il ne sera plus désormais, comme autrefois, un ensemble de pièces
de verre coloré emplombées et décorées d’un transparent de grisaille : les
pièces teintées s’éliminent, les plombs se raréfient ou se dissimulent. Lne
peinture à l'émail de couleur sur grandes lames de verre blanc remplace
toute autre décoration. Celte peinture, qui doit rendre à la fois couleurs et
formes, suppose, pour réussir, une grande maîtrise : entre les mains d’un
artisan de valeur moyenne, elle devient une aquarelle sombre qui s’écaille
avec les ans. A partir de cette époque, on peut prévoir la décadence rapide
du vitrail et sa prompte disparition.
Le Souper du Père de famille, de Saint-Etienne-du-Mont, montre, dès
i568, l’usage précoce des émaux. Le carton de cette verrière est évidemment
calqué sur une gravure pieuse du temps. Elle appartient, par son inspira-
tion, à l’art de la contre-Réforme qui lient alors le monopole de la symbo-
lique religieuse. L’unité et la sainteté de l’Eglise, l’exaltation des Sacrements,
l’affirmation de la Présence réelle, deviennent les thèmes constants de ces
figurations toujours ingénieuses, parfois baroques.
Le Père de famille, le Roi de la parabole, c’est Dieu offrant son Fils aux
hommes sous les apparences eucharistiques; tous sont conviés à ce repas
divin, mais peu s’y rendent : MYLTI • VOCATI ELECT1 PAYC1 • S •
MATTH ♦ C • 22 •. Les invités se récusent : Ccpciüt juilllf epcuffltc, et les
occupations qu'ils allèguent sont figurées sur la gauche du vitrail ; l’un va
visiter une terre récemment achetée : iDtffcittl ont ; le second veut essayer
ses nouveaux bœufs : fuçja 6oüm cm ; le troisième se marie : upotettt ÏHipt.
Au festin, dont les élus ne sont pas dignes, le Père de famille convie tous les
déshérités : le Précurseur les cherche au carrefour des chemins, derrière les
haies, et les prépare à la communion par sa prédication de pénitence ; il
s’avance vers le parvis et adore, sous les Saintes Espèces, l’Agneau de Dieu.
Si 1 introduction de saint Jean-Baptiste dans la conclusion de cette parabole
ne laisse pas d’étonner un peu, combien plus étrange paraît cet énigmatique
personnage agenouillé au premier plan, qui tient une houlette, une crosse,
un faucon et une paire de ciseaux à tondre les moutons, des « forces », sur
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
montrant, sous un ciel tourmenté, une quinzaine de personnages à la Callot,
juifs et Romains, groupés dans une sorte d’amphithéâtre composé de ruines
majestueuses, de colonnades rompues, envahies par une végétation hiver-
nale.
Le Martyre de saint Laurent, tableau à très grande échelle, date de 1553 ;
des réfections funestes ont gâté toute sa partie supérieure. L’imitation de
Michel-Ange hantait l’auteur de ce carton : la sculpture est pastichée au point
d’imiter les yeux en ronde-bosse sans paupière ni prunelle.
Le dernier tiers du xvxc siècle opère dans l’art du vitrail une révolution
radicale : il ne sera plus désormais, comme autrefois, un ensemble de pièces
de verre coloré emplombées et décorées d’un transparent de grisaille : les
pièces teintées s’éliminent, les plombs se raréfient ou se dissimulent. Lne
peinture à l'émail de couleur sur grandes lames de verre blanc remplace
toute autre décoration. Celte peinture, qui doit rendre à la fois couleurs et
formes, suppose, pour réussir, une grande maîtrise : entre les mains d’un
artisan de valeur moyenne, elle devient une aquarelle sombre qui s’écaille
avec les ans. A partir de cette époque, on peut prévoir la décadence rapide
du vitrail et sa prompte disparition.
Le Souper du Père de famille, de Saint-Etienne-du-Mont, montre, dès
i568, l’usage précoce des émaux. Le carton de cette verrière est évidemment
calqué sur une gravure pieuse du temps. Elle appartient, par son inspira-
tion, à l’art de la contre-Réforme qui lient alors le monopole de la symbo-
lique religieuse. L’unité et la sainteté de l’Eglise, l’exaltation des Sacrements,
l’affirmation de la Présence réelle, deviennent les thèmes constants de ces
figurations toujours ingénieuses, parfois baroques.
Le Père de famille, le Roi de la parabole, c’est Dieu offrant son Fils aux
hommes sous les apparences eucharistiques; tous sont conviés à ce repas
divin, mais peu s’y rendent : MYLTI • VOCATI ELECT1 PAYC1 • S •
MATTH ♦ C • 22 •. Les invités se récusent : Ccpciüt juilllf epcuffltc, et les
occupations qu'ils allèguent sont figurées sur la gauche du vitrail ; l’un va
visiter une terre récemment achetée : iDtffcittl ont ; le second veut essayer
ses nouveaux bœufs : fuçja 6oüm cm ; le troisième se marie : upotettt ÏHipt.
Au festin, dont les élus ne sont pas dignes, le Père de famille convie tous les
déshérités : le Précurseur les cherche au carrefour des chemins, derrière les
haies, et les prépare à la communion par sa prédication de pénitence ; il
s’avance vers le parvis et adore, sous les Saintes Espèces, l’Agneau de Dieu.
Si 1 introduction de saint Jean-Baptiste dans la conclusion de cette parabole
ne laisse pas d’étonner un peu, combien plus étrange paraît cet énigmatique
personnage agenouillé au premier plan, qui tient une houlette, une crosse,
un faucon et une paire de ciseaux à tondre les moutons, des « forces », sur