BIBLIOGRAPHIE
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grandir au cours des siècles suivants. « On constate », dit M. Filow, « tout particulièrement
dans ce domaine [le domaine artistique], que l’ancienne civilisation bulgare avait atteint
un haut degré d’indépendance et que les Bulgares... ont toujours joué un rôle capital
dans la péninsule des Balkans, non seulement au point de vue politique, mais aussi au
point de vue intellectuel. » Et on devine la conclusion : « Les Bulgares n’ont-ils donc
pas acquis des droits sur le pays qu’ils habitaient par la civilisation qu’ils se sont appli-
qués à y créer? » Par ce pays, l’auteur entend « aussi bien la Bulgarie danubienne que la
Tlirace et la Macédoine ». Et c’est cela sans doute qui fait à ses yeux 1’ « opportunité »
de son ouvrage, « vu qu’il résulte », dit-il, « de l’espérance en un avenir meilleur, qui se
baserait davantage sur les principes de liberté et d’équité».
Ces théories, qui visiblement ne sont pas exemptes de quelques arrière-pensées poli-
tiques, indiquent le caractère de l’ouvrage de M. Filow et lui ôtent quelque chose de
son prix. On sent un livre fait vite, dans l’intention de soutenir et dé démontrer une
thèse, et où manquent trop souvent ces « études minutieuses » dont l’auteur parle
quelque part (p. 26) et qui eussent été nécessaires pour résoudre beaucoup de problèmes
d’importance essentielle, posés en passant et aussitôt abondonnés. On regrette que
M. Filow n’ait point entrepris cet examen approfondi des monuments subsistants qui
fournirait, de son propre aveu, tant d’indications importantes sur l’architecture religieuse
ou profane du xme et xivc siècle (p. 26) ; qu’il se borne à énumérer, sans les décrire ni les
étudier, tant de séries de peintures murales de cette époque qu’il déclare cependant « de
grande valeur artistique » (p. 3o) ; qu’il lui suffise de nommer, sans avoir rien tenté pour
nous les faire connaître, les deux beaux manuscrits bulgares du xive siècle conservés au
Vatican et au British Muséum 1 (p. 32-34) ; qu’il n’ait trouvé aucun moyen de donner une
reproduction des peintures de Poganovo qui datent de i5oo (p. 52), ni aucune réponse
aux questions qu’il se pose sur l’existence d’écoles bulgares au xvie siècle et leurs rapports
avec l’Athos (p. 62) ; qu’il se soit refusé à « entrer dans des détails » sur les monuments
de l’art populaire (p. 67) ou sur la peinture d’icones, « sujet qui », écrit-il, « n’a pas
encore été étudié de façon systématique » (p. 66) ; et qu’il ait reculé, enfin, devant « la tâche
intéressante d’examiner à fond l’origine de cet art des iconostases qui fut si florissant en
Bulgarie, de suivre les phases successives de son développement, d’étudier ses relations
avec la sculpture sur bois dans d’autres régions de l’Orient, et d'établir à quelles sources
il s’est si diversement inspiré » (p. 81). Un ouvrage vraiment scientifique sur l’ancien
art bulgare eût tenu à honneur d’aborder ces recherches au lieu de les traiter ainsi par
prélérition.
M. Filow a préféré, dans une revue rapide, décrire quelques-uns des monuments :
i°du premier empire bulgare ; 2° du deuxième empire bulgare (architecture, peinture, arts
appliqués) ; et 3° (c’est la partie la plus développée et la plus intéressante) de l’époque de
la domination turque (architecture, peinture, arts appliqués). Dans les deux premières
parties, les plus importantes pour l’histoire de l’art, M. Filow s’applique à démontrer le
caractère bulgaredei monuments qu’il énumère. Il va plus loin : il affirme que la Bulgarie,
loin de devoir grand’chose à Byzance, a au contraire collaboré à la formation du style
byzantin, (p. 17) et il le démontre... au moyen des églises chrétiennes bâties entre le ve
et le vne siècle sur le territoire actuel delà Bulgarie, mais sur lesquelles les Bulgares, établis
en 679 au sud du Danube, ne sauraient en vérité revendiquer aucun droit d’auteur.
I. Il faut entendre par la « Chronique bien connue de Manassias » (sic) l’ouvrage historique de
Constantin Manassès.
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grandir au cours des siècles suivants. « On constate », dit M. Filow, « tout particulièrement
dans ce domaine [le domaine artistique], que l’ancienne civilisation bulgare avait atteint
un haut degré d’indépendance et que les Bulgares... ont toujours joué un rôle capital
dans la péninsule des Balkans, non seulement au point de vue politique, mais aussi au
point de vue intellectuel. » Et on devine la conclusion : « Les Bulgares n’ont-ils donc
pas acquis des droits sur le pays qu’ils habitaient par la civilisation qu’ils se sont appli-
qués à y créer? » Par ce pays, l’auteur entend « aussi bien la Bulgarie danubienne que la
Tlirace et la Macédoine ». Et c’est cela sans doute qui fait à ses yeux 1’ « opportunité »
de son ouvrage, « vu qu’il résulte », dit-il, « de l’espérance en un avenir meilleur, qui se
baserait davantage sur les principes de liberté et d’équité».
Ces théories, qui visiblement ne sont pas exemptes de quelques arrière-pensées poli-
tiques, indiquent le caractère de l’ouvrage de M. Filow et lui ôtent quelque chose de
son prix. On sent un livre fait vite, dans l’intention de soutenir et dé démontrer une
thèse, et où manquent trop souvent ces « études minutieuses » dont l’auteur parle
quelque part (p. 26) et qui eussent été nécessaires pour résoudre beaucoup de problèmes
d’importance essentielle, posés en passant et aussitôt abondonnés. On regrette que
M. Filow n’ait point entrepris cet examen approfondi des monuments subsistants qui
fournirait, de son propre aveu, tant d’indications importantes sur l’architecture religieuse
ou profane du xme et xivc siècle (p. 26) ; qu’il se borne à énumérer, sans les décrire ni les
étudier, tant de séries de peintures murales de cette époque qu’il déclare cependant « de
grande valeur artistique » (p. 3o) ; qu’il lui suffise de nommer, sans avoir rien tenté pour
nous les faire connaître, les deux beaux manuscrits bulgares du xive siècle conservés au
Vatican et au British Muséum 1 (p. 32-34) ; qu’il n’ait trouvé aucun moyen de donner une
reproduction des peintures de Poganovo qui datent de i5oo (p. 52), ni aucune réponse
aux questions qu’il se pose sur l’existence d’écoles bulgares au xvie siècle et leurs rapports
avec l’Athos (p. 62) ; qu’il se soit refusé à « entrer dans des détails » sur les monuments
de l’art populaire (p. 67) ou sur la peinture d’icones, « sujet qui », écrit-il, « n’a pas
encore été étudié de façon systématique » (p. 66) ; et qu’il ait reculé, enfin, devant « la tâche
intéressante d’examiner à fond l’origine de cet art des iconostases qui fut si florissant en
Bulgarie, de suivre les phases successives de son développement, d’étudier ses relations
avec la sculpture sur bois dans d’autres régions de l’Orient, et d'établir à quelles sources
il s’est si diversement inspiré » (p. 81). Un ouvrage vraiment scientifique sur l’ancien
art bulgare eût tenu à honneur d’aborder ces recherches au lieu de les traiter ainsi par
prélérition.
M. Filow a préféré, dans une revue rapide, décrire quelques-uns des monuments :
i°du premier empire bulgare ; 2° du deuxième empire bulgare (architecture, peinture, arts
appliqués) ; et 3° (c’est la partie la plus développée et la plus intéressante) de l’époque de
la domination turque (architecture, peinture, arts appliqués). Dans les deux premières
parties, les plus importantes pour l’histoire de l’art, M. Filow s’applique à démontrer le
caractère bulgaredei monuments qu’il énumère. Il va plus loin : il affirme que la Bulgarie,
loin de devoir grand’chose à Byzance, a au contraire collaboré à la formation du style
byzantin, (p. 17) et il le démontre... au moyen des églises chrétiennes bâties entre le ve
et le vne siècle sur le territoire actuel delà Bulgarie, mais sur lesquelles les Bulgares, établis
en 679 au sud du Danube, ne sauraient en vérité revendiquer aucun droit d’auteur.
I. Il faut entendre par la « Chronique bien connue de Manassias » (sic) l’ouvrage historique de
Constantin Manassès.