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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Il y avait une inscription analogue au rebord du cadre du volet de gauche,
au-dessus de la figure de sainte; elle est aujourd'hui tout à fait illisible ; et
malheureusement aucun emblème précis ne caractérise cette jeune sainte très
blonde, élégamment vêtue d'une robe brochée de ton mauve, que recouvre
un manteau rose à doublure ardoisée. Elle tient la palme du martyre et un
livre où on lit le verset par lequel s’ouvrent les vêpres du dimanche : Deus
in adjatorium meum intende; due adjuvandum me festina. Gloria. Debout,
comme le saint qui lui fait face, elle se tourne vers le centre — manquant
— du retable.
Mais c’est aux deux compositions qui ornent les volets qu’apparaissent
vraiment l’originalité et la beauté de la peinture. Au premier abord, elles
ne rappellent rien que l’on se souvienne d’avoir rencontré dans les représen-
tations légendaires, et il faut avoir bien présentes à l’esprit les diverses his-
toires de la Légende Dorée pour y retrouver, comme l’a fait l’abbé Requin,
deux épisodes miraculeux de la vie de saint André.
Voici le sujet représenté à gauche :
« Un jeune homme noble s’étant, contre la volonté de ses parents, attaché
à l’apôtre, ses parents mirent le feu à la maison où d demeurait avec
l’apôtre. Et comme déjà la flamme croissait en hauteur, l'enfant ayant pris
un flacon le répandit sur le feu, et aussitôt éteignit le feu, ceux-là disant :
Notre fils est devenu sorcier ! Tandis qu’ils voulaient monter par l’escalier,
ils furent aveuglés par Dieu, au point qu’ils ne pouvaient même aucune-
ment voir l’escalier. Alors quelqu’un s’écria : Pourquoi vous consumer dans
un vain labeur? Dieu combat pour eux, et vous ne le voyez pas. Arrêtez-
vous bien vite, de peur que la colère de Dieu ne descende sur vous ! Nom-
breux furent ceux qui le virent et crurent au Seigneur ; cependant les parents
de l enfant moururent après cinquante jours et furent mis au tombeau. »
Nous avons pu remarquer tout à l'heure que le peintre du retable parais-
sait avoir singulièrement brouillé les caractéristiques des saints ; il nous
montre la même liberté dans son interprétation de la légende. L’essentiel
toutefois y figure : nous apercevons du dehors par une large baie l’intérieur
d’une maison d’où par toutes les ouvertures jaillissent des flammes. Par-
dessus une petite terrasse, l’incendie a gagné le premier étage ; cependant,
debout sur les degrés d’un escalier, un enfant, vêtu de rouge, abritant de la
main gauche son visage contre la chaleur, lance l’eau d’une carafe sur les
flammes qui lèchent le plafond. Près de lui, à genoux, le visage haut sous
ses longs cheveux blancs, le vénérable saint (vêtu d’une robe rose sous un
manteau bleu doublé de rouge) prie Dieu de ses mains jointes, et regarde le
miracle qu’il dirige. Au dehors il n’y a point les parents, mais des soudards
casqués, en cottes de mailles, avec des haches, des lances, des boucliers,
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Il y avait une inscription analogue au rebord du cadre du volet de gauche,
au-dessus de la figure de sainte; elle est aujourd'hui tout à fait illisible ; et
malheureusement aucun emblème précis ne caractérise cette jeune sainte très
blonde, élégamment vêtue d'une robe brochée de ton mauve, que recouvre
un manteau rose à doublure ardoisée. Elle tient la palme du martyre et un
livre où on lit le verset par lequel s’ouvrent les vêpres du dimanche : Deus
in adjatorium meum intende; due adjuvandum me festina. Gloria. Debout,
comme le saint qui lui fait face, elle se tourne vers le centre — manquant
— du retable.
Mais c’est aux deux compositions qui ornent les volets qu’apparaissent
vraiment l’originalité et la beauté de la peinture. Au premier abord, elles
ne rappellent rien que l’on se souvienne d’avoir rencontré dans les représen-
tations légendaires, et il faut avoir bien présentes à l’esprit les diverses his-
toires de la Légende Dorée pour y retrouver, comme l’a fait l’abbé Requin,
deux épisodes miraculeux de la vie de saint André.
Voici le sujet représenté à gauche :
« Un jeune homme noble s’étant, contre la volonté de ses parents, attaché
à l’apôtre, ses parents mirent le feu à la maison où d demeurait avec
l’apôtre. Et comme déjà la flamme croissait en hauteur, l'enfant ayant pris
un flacon le répandit sur le feu, et aussitôt éteignit le feu, ceux-là disant :
Notre fils est devenu sorcier ! Tandis qu’ils voulaient monter par l’escalier,
ils furent aveuglés par Dieu, au point qu’ils ne pouvaient même aucune-
ment voir l’escalier. Alors quelqu’un s’écria : Pourquoi vous consumer dans
un vain labeur? Dieu combat pour eux, et vous ne le voyez pas. Arrêtez-
vous bien vite, de peur que la colère de Dieu ne descende sur vous ! Nom-
breux furent ceux qui le virent et crurent au Seigneur ; cependant les parents
de l enfant moururent après cinquante jours et furent mis au tombeau. »
Nous avons pu remarquer tout à l'heure que le peintre du retable parais-
sait avoir singulièrement brouillé les caractéristiques des saints ; il nous
montre la même liberté dans son interprétation de la légende. L’essentiel
toutefois y figure : nous apercevons du dehors par une large baie l’intérieur
d’une maison d’où par toutes les ouvertures jaillissent des flammes. Par-
dessus une petite terrasse, l’incendie a gagné le premier étage ; cependant,
debout sur les degrés d’un escalier, un enfant, vêtu de rouge, abritant de la
main gauche son visage contre la chaleur, lance l’eau d’une carafe sur les
flammes qui lèchent le plafond. Près de lui, à genoux, le visage haut sous
ses longs cheveux blancs, le vénérable saint (vêtu d’une robe rose sous un
manteau bleu doublé de rouge) prie Dieu de ses mains jointes, et regarde le
miracle qu’il dirige. Au dehors il n’y a point les parents, mais des soudards
casqués, en cottes de mailles, avec des haches, des lances, des boucliers,