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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5. Pér. 9.1924

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Nr. 3
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Brancour, Félix René: Chronique musicale
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https://doi.org/10.11588/diglit.24943#0202

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186

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Et voici qu’à la fête villageoise où l’on vénère saint Cognard, patron des compa-
gnons de la cognée, Pierre se rencontre avec le séducteur — ou plutôt le séduit —
qui n’est autre que son propre fils, exilé du foyer paternel lors du mariage du fermier
avec cette même Julie qui depuis... Le mari, cependant, dont la solitude semble
avoir adouci la rancœur, est disposé au pardon sans condition, tout prêt, même, à
reconnaître ses torts et à entourer de tendresse l’épouse sacrifiée à la terre trop
aimce.

Hélas! il surprend l’indication d’un rendez-vous pris pour ce même soir en un
val ténébreux. Il y devance les coupables. La femme, en apprenant que son amant
est aussi son beau-fils, se précipitedans les eaux mugissantes du providentiel torrent.
Quant aux deux hommes ils s’éloignent bras dessus, bras dessous, avec le ferme dessein
de n’avoir plus d’amour que pour l’agronomie.

Il y a beaucoup de remplissage en ce drame, voire quelques invraisemblances,
dont le dénouement constitue la moins acceptable. Car nous avons peine à croire que
cette possédée d’amour soit poussée au suicide par la seule révélation d’un lien de
parenté factice entre elle et son amoureux. Mais peut-être avait-elle lu Phèdre,
que pour la seconde fois cette aventure nous remet en mémoire.

Après tout, cela est possible ; mais voici de nouvelles objections : Ces culti-
vateurs sont vraiment un peu trop cultivés — plus même que ceux de George Sand.
Par exemple, l’héroïne, en filant son rouet, prend « le la de la cantilène dolente ».
Je sais bien que nous sommes à l’Opéra-comique ; néanmoins ce souci du diapason
chez une paysanne ne laisse point de surprendre. Pierre ne demeure pas en reste et,
parlant de la terre, évoque

Le blé sacré qu’en son auguste sein l’on sème.

Evidemment il a lu la Nuit (FAoût et salué au passage

Le brin d’herbe sacré qui nous donne le pain.

C’est à croire queM. Richepin a transmis à ses personnages toute sa rhétorique —
et l’on sait que ce n’est pas peu dire. On souhaiterait cordialement à ces illettrés
d’être moins farcis de littérature. Mais voilà ! Tout ceci recouvre un symbolisme
redoutable et naïf. Il s’agit de la lutte entre la femme et la terre, celle-ci demeurant
en fin de compte victorieuse, puisqu’elle est « la plus forte ». Pierre préfère ses
champs à sa femme. Et ce n’est pas très neuf— car, sans parler du plus malpropre
des romans de Zola, il suffit de se reporter au bon Pierre Dupont et à ses vers
connus :

J’aime Jeanne ma femme ; eh bien, j’aimerais mieux
La voir mourir, que voir mourir mes bœufs,

pour se convaincre de la vétusté de ce symbole qui, au surplus, est bien indifférent
à la marche du drame.

La partition contient de belles pages. Le début, largement brossé, offre un
vigoureux tableau dont précisément les bœufs obligatoires constituent les principaux
 
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