GAZETTE DES BEAUX-ARTS
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Léandrk Yaillat et Paul Ratouis de Limay. —
J.-B. Perronneau, sa vie et son œuvre (Biblio-
thèque de l’Art du xvm' siècle). Paris et
Bruxelles, Yan Oest (1923). In-4", 253 p.
La seconde édition de cette monographie,
qui paraît quatorze ans après la première,
marque le progrès très sensible des études
consacrées depuis 1909 à la vie et à l’œuvre de
Perronneau : elle enregistre quelques détails
jadis inconnus de la biographie presque inextri-
cable de cet artiste nomade, notamment son
voyage à Pétersbourg en 178 r et surtout elle
inventorie ou reproduit (car l’illustration très
abondante ne comprend pas moins de 48 plan-
ches) une quantité considérable de pastels ou de
peintures à l’huile qui ont reparu à la lumière
dans ces dernières années. La Hollande a fourni
la meilleure part de ce butin.
L’enqucte est loin d’être close et les auteurs
ont la modestie de dire que cette seconde
édition ne représente qu’un nouveau stade
provisoire de nos connaissances. Mais c’est
un excellent point de départ pour les recherches
futures. Par leur documentation scrupuleuse,
leur critique prudente et avisée, MM. Vaillat
et Ratouis de Limay auront été les meilleurs
artisans de la gloire posthume de Perronneau *.
L. R.
A. Bonaventura. — Verdi (Collection des
« Maîtres de la musique »). Paris, Félix Alcan
(1923). ln-8°, 212 p.
Yerdi fut, en vérité, un grand musicien
doublé d’un homme qui, selon une pa-
role célèbre, faisait honneur à l’homme.
Quelques réserves que l’on puisse faire sur cer-
taines parties de son œuvre, on doit en recon-
naître la puissance, le mouvement, en un mot,
la vie intense. Il en faut admirer aussi la
complète sincérité et dire, avec Félix Weingart-
1. Signalons en vue d’une troisième édition quel-
ques lapsus ou fautes d’impression : p. 22, Sachsichen
Kammerat au lieu de Sachsischer Kammerrat ; p. on, au
lieu de Kreits de la Basse Saxonie, lire Cercle de la
Basse Saxe; p. 125, oud et non ond 5o jaaren.
ncr : « La personnalité de Verdi, si exempte de
tout artifice, étant au-dessus de ce que nous mé-
ritons aujourd’hui, nous devons nous efforcer
de nous élever jusqu’à elle. » Et puisque nous
citons un chef d’orchestre dont on ne saurait con-
tester l’expérience, notons aussi son opinion sur
l’instrumentation du maître italien: « Il sait et
peut dire avec une note seule d’un seul instrument
mieux que d’autres avec un orchestre colossal. »
En somme Verdi était sain et avait le droit de
rire aux dépens des « malades qui cherchent et
(c’est parfois tant mieux) ne trouvent jamais. »
Que dirait-il des « malades » d’aujourd’hui ! Au
reste il souhaitait que l’on trouvât du nouveau,
à condition qu’il ne relevât point de la patho-
logie. « Copier le vrai, écrivait-il, peut être une
belle chose; mais inventer le vrai, c’est mieux,
beaucoup mieux. » Et maintes fois il a « inventé
le vrai », renouvelant infatigablement son esthé-
tique en vue d’une réalisation plus complète et
plus élevée de son idéal dramatique: Don Carlos,
Aida, Olello et Falsla()'en peuvent témoigner.
M. Bonaventura s’est acquitté de sa mission
avec justesse et clarté. Sans exagération, il a
exprimé uneadmiration légitime pour son illustre
compatriote, avec un luxe verbal qui d’ailleurs
n’est point déplaisant. Il aime les suites d’adjec-
tifs et d’adverbes, ainsi que le montre son appré-
ciation d’un chant de La forza del Destino qui
« termine l’opéra doucement, tendrement, mélan-
coliquement » (ces trois adverbes joints font
admirablement.) Il ne dissimule point les fai-
blesses, et, s’il aime le passé, ne dédaigne point
le présent. Il s’affirme, ainsi qu’il convient de
le faire si l’on veut être « à la hauteur », le
contempteur de Meyerbeer et constate avec joie
qu’Aïda ne contient plus « aucune trace de ce
meyerbeerisme qui avait souillé Don Carlos. »
Nous ne saurions faire reproche à M. Bona-
ventura de ne pas écrire toujours en un français
authentique. Mais le fond demeure, méritant notre
gratitude et notre estime. — Un dernier mot:
pourquoi l’érudit biographe n’a-t-il point signalé,
en sa nolice bibliographique, la belle étude publiée
sur Verdi par Henri Roujon, dans Artistes et amis
des arts ?
rené rrancour
Le Gérant: Ch. Petit.
CHARTRES.
MPRIMERIE DURAND, RUE FULBERT.
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Léandrk Yaillat et Paul Ratouis de Limay. —
J.-B. Perronneau, sa vie et son œuvre (Biblio-
thèque de l’Art du xvm' siècle). Paris et
Bruxelles, Yan Oest (1923). In-4", 253 p.
La seconde édition de cette monographie,
qui paraît quatorze ans après la première,
marque le progrès très sensible des études
consacrées depuis 1909 à la vie et à l’œuvre de
Perronneau : elle enregistre quelques détails
jadis inconnus de la biographie presque inextri-
cable de cet artiste nomade, notamment son
voyage à Pétersbourg en 178 r et surtout elle
inventorie ou reproduit (car l’illustration très
abondante ne comprend pas moins de 48 plan-
ches) une quantité considérable de pastels ou de
peintures à l’huile qui ont reparu à la lumière
dans ces dernières années. La Hollande a fourni
la meilleure part de ce butin.
L’enqucte est loin d’être close et les auteurs
ont la modestie de dire que cette seconde
édition ne représente qu’un nouveau stade
provisoire de nos connaissances. Mais c’est
un excellent point de départ pour les recherches
futures. Par leur documentation scrupuleuse,
leur critique prudente et avisée, MM. Vaillat
et Ratouis de Limay auront été les meilleurs
artisans de la gloire posthume de Perronneau *.
L. R.
A. Bonaventura. — Verdi (Collection des
« Maîtres de la musique »). Paris, Félix Alcan
(1923). ln-8°, 212 p.
Yerdi fut, en vérité, un grand musicien
doublé d’un homme qui, selon une pa-
role célèbre, faisait honneur à l’homme.
Quelques réserves que l’on puisse faire sur cer-
taines parties de son œuvre, on doit en recon-
naître la puissance, le mouvement, en un mot,
la vie intense. Il en faut admirer aussi la
complète sincérité et dire, avec Félix Weingart-
1. Signalons en vue d’une troisième édition quel-
ques lapsus ou fautes d’impression : p. 22, Sachsichen
Kammerat au lieu de Sachsischer Kammerrat ; p. on, au
lieu de Kreits de la Basse Saxonie, lire Cercle de la
Basse Saxe; p. 125, oud et non ond 5o jaaren.
ncr : « La personnalité de Verdi, si exempte de
tout artifice, étant au-dessus de ce que nous mé-
ritons aujourd’hui, nous devons nous efforcer
de nous élever jusqu’à elle. » Et puisque nous
citons un chef d’orchestre dont on ne saurait con-
tester l’expérience, notons aussi son opinion sur
l’instrumentation du maître italien: « Il sait et
peut dire avec une note seule d’un seul instrument
mieux que d’autres avec un orchestre colossal. »
En somme Verdi était sain et avait le droit de
rire aux dépens des « malades qui cherchent et
(c’est parfois tant mieux) ne trouvent jamais. »
Que dirait-il des « malades » d’aujourd’hui ! Au
reste il souhaitait que l’on trouvât du nouveau,
à condition qu’il ne relevât point de la patho-
logie. « Copier le vrai, écrivait-il, peut être une
belle chose; mais inventer le vrai, c’est mieux,
beaucoup mieux. » Et maintes fois il a « inventé
le vrai », renouvelant infatigablement son esthé-
tique en vue d’une réalisation plus complète et
plus élevée de son idéal dramatique: Don Carlos,
Aida, Olello et Falsla()'en peuvent témoigner.
M. Bonaventura s’est acquitté de sa mission
avec justesse et clarté. Sans exagération, il a
exprimé uneadmiration légitime pour son illustre
compatriote, avec un luxe verbal qui d’ailleurs
n’est point déplaisant. Il aime les suites d’adjec-
tifs et d’adverbes, ainsi que le montre son appré-
ciation d’un chant de La forza del Destino qui
« termine l’opéra doucement, tendrement, mélan-
coliquement » (ces trois adverbes joints font
admirablement.) Il ne dissimule point les fai-
blesses, et, s’il aime le passé, ne dédaigne point
le présent. Il s’affirme, ainsi qu’il convient de
le faire si l’on veut être « à la hauteur », le
contempteur de Meyerbeer et constate avec joie
qu’Aïda ne contient plus « aucune trace de ce
meyerbeerisme qui avait souillé Don Carlos. »
Nous ne saurions faire reproche à M. Bona-
ventura de ne pas écrire toujours en un français
authentique. Mais le fond demeure, méritant notre
gratitude et notre estime. — Un dernier mot:
pourquoi l’érudit biographe n’a-t-il point signalé,
en sa nolice bibliographique, la belle étude publiée
sur Verdi par Henri Roujon, dans Artistes et amis
des arts ?
rené rrancour
Le Gérant: Ch. Petit.
CHARTRES.
MPRIMERIE DURAND, RUE FULBERT.