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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
les souvenirs d’art et d’histoire qu’avec un zèle
tempéré de prudence M. Bourguignon accumule
dans le seul palais qui soit uniquement napo-
léonien, souvenirs dontles plus émouvants se rap-
portent d’ailleurs à l’époque où Napoléon n’avait
pas encore complètement percé sous Bonaparte.
Planches et texte se complètent fort heureuse-
ment, ce dernier n’étant pas un commentaire
banal, mais une étude fort creusée et qui nous
permet de bien augurer de T « Histoire de Mal-
maison » que l’auteur nous promet et ne nous
fera pas, espérons-le, attendre trop longtemps.
Malmaison était, à la suite des vicissitudes
dont M. B. esquisse à grands traits le récit,
tombée à la date de son acquisition par Osiris
(1896) dans un tel abandon, et l’ignorance était
telle, au sujet de son aménagement primilif,
même depuis les travaux entrepns par ce phi-
lanthrope, qui, on le sait, fit don du Palais à
l’État, que la première tâche à laquelle a dû
s’atteler le conservateur et qu’il a heureusement
menée à bien a été une œuvre d’identification et
d’épuration à laquelle il initie les historiens d’art
et le grand public éclairé. Tout ce qu’on peut
regretter, c’est que ce travail n’ait pas été plus
complet et ait laissé subsister certaines erreurs de
la restauration entreprise par les soins d’Osiris,
restauration qui, néanmoins, dans l’ensemble, a
été d’une discrétion trop rare pour qu’on ne
s’associe pas aux éloges, mitigés des réserves
nécessaires, que l’auteur lui adresse.
Nous connaîtrons désormais le rôle exact de
Percier et Fontaine dans l’agencement, tant
architectonique que décoratif, de ce palais, dont
l’élégante silhouette rappelle encore l’époque de
son érection, c’est-à-dire le temps de Louis XIII.
Grâce aux documents figurés qu’il a su retrouver,
aidé dans ses recherches notamment par le con-
cours éclairé des descendants de la noblesse
impériale, M. B. a pu reconstituer la physiono-
mie de la plupart des salles du palais ; lorsque
faisaient défaut les meubles originaux ou les co-
pies exécutées sous le second Empire (à cet égard
l’auteur démontre qu’à l’exception du lit, les meu-
bles dont on a garni en 190D la Chambre de José-
phinesontdes copies fabriquées sur les indications
de l’Impératrice Eugénie qui, la première, eut
l’idée de faire de Malmaison un Musée) ; des pièces
empruntées au Mobilier National ou à d’autres
collections publiques et privées, et provenant spé-
cialement d’édifices détruits (Saint-Cloud, Tuile-
ries) viennent nous restituer heureusement, sinon
l’atmosphère du lieu, au moins celle de l’époque,
ce qui se conçoil fort bien dans un monument
qui visedeplusen plus — lesrichescollections dont
s’adornent les appartements du ier et du 2e étage
en témoignent — à devenir le véritable musée de la
période consulaire etimpériale. Parfois d’ailleurs,
par exemple pour la Chambre de Bonaparte, le
conservateur, par un scrupule qui l’honore, a
renoncé à suppléer au manque d’indications
sérieuses et préféré une nudité austère qui n’est
pas sans charme à d’aventureuses reconstitu-
tions.
O11 goûtera particulièrement les planches repro-
duisant la salle de musique et la bibliothèque,
sans contredit les ensembles les plus attachants
du palais et sur l’agencement desquels l’auteur
donne des renseignements nouveaux et fort inté-
ressants. Tout ce rez-de-chaussée est plein d’œu-
vres d’ébénislerie, remarquables soit au point de
vueartistique, soitàraisonde leur importance his-
torique, puisqu’elles nous permettent de suivre le
développement pendant 20 années de l’un des arts
mineurs les plus florissants de cette époque. M.
Bourguignon en a identifié et caractérisé heureu-
sement les auteurs : les fils Jacob (avant M. Lefuel,
il a révélé les marques de fabrique diverses de
leur atelier), Mansion, Marcion (à tort parfois
confondus), Rémond, Biennais.
Le plus bel éloge qu’on puisse faire des photo-
typies est qu elles nous font apprécier les détails
de certains morceaux, tel le service de table en
orfèvrerie, travail d’Auguste, offert par la Ville
de Paris lors du sacre, qui, vus d’ensemble, et
dans la réalité, ne laissent pas que de paraître
quelque peu lourds.
La typographie est digne du reste de l’ouvrage.
Signalons quelques fautes vénielles : Tassœrt
(p. i4) pour Tassaert; Umco(p. 2o)pour Unico.
JULIEN REINACH
Le Gérant : Ch. Petit.
CHARTRES .
IMPRIMERIE DURAND, RUE FULRERT.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
les souvenirs d’art et d’histoire qu’avec un zèle
tempéré de prudence M. Bourguignon accumule
dans le seul palais qui soit uniquement napo-
léonien, souvenirs dontles plus émouvants se rap-
portent d’ailleurs à l’époque où Napoléon n’avait
pas encore complètement percé sous Bonaparte.
Planches et texte se complètent fort heureuse-
ment, ce dernier n’étant pas un commentaire
banal, mais une étude fort creusée et qui nous
permet de bien augurer de T « Histoire de Mal-
maison » que l’auteur nous promet et ne nous
fera pas, espérons-le, attendre trop longtemps.
Malmaison était, à la suite des vicissitudes
dont M. B. esquisse à grands traits le récit,
tombée à la date de son acquisition par Osiris
(1896) dans un tel abandon, et l’ignorance était
telle, au sujet de son aménagement primilif,
même depuis les travaux entrepns par ce phi-
lanthrope, qui, on le sait, fit don du Palais à
l’État, que la première tâche à laquelle a dû
s’atteler le conservateur et qu’il a heureusement
menée à bien a été une œuvre d’identification et
d’épuration à laquelle il initie les historiens d’art
et le grand public éclairé. Tout ce qu’on peut
regretter, c’est que ce travail n’ait pas été plus
complet et ait laissé subsister certaines erreurs de
la restauration entreprise par les soins d’Osiris,
restauration qui, néanmoins, dans l’ensemble, a
été d’une discrétion trop rare pour qu’on ne
s’associe pas aux éloges, mitigés des réserves
nécessaires, que l’auteur lui adresse.
Nous connaîtrons désormais le rôle exact de
Percier et Fontaine dans l’agencement, tant
architectonique que décoratif, de ce palais, dont
l’élégante silhouette rappelle encore l’époque de
son érection, c’est-à-dire le temps de Louis XIII.
Grâce aux documents figurés qu’il a su retrouver,
aidé dans ses recherches notamment par le con-
cours éclairé des descendants de la noblesse
impériale, M. B. a pu reconstituer la physiono-
mie de la plupart des salles du palais ; lorsque
faisaient défaut les meubles originaux ou les co-
pies exécutées sous le second Empire (à cet égard
l’auteur démontre qu’à l’exception du lit, les meu-
bles dont on a garni en 190D la Chambre de José-
phinesontdes copies fabriquées sur les indications
de l’Impératrice Eugénie qui, la première, eut
l’idée de faire de Malmaison un Musée) ; des pièces
empruntées au Mobilier National ou à d’autres
collections publiques et privées, et provenant spé-
cialement d’édifices détruits (Saint-Cloud, Tuile-
ries) viennent nous restituer heureusement, sinon
l’atmosphère du lieu, au moins celle de l’époque,
ce qui se conçoil fort bien dans un monument
qui visedeplusen plus — lesrichescollections dont
s’adornent les appartements du ier et du 2e étage
en témoignent — à devenir le véritable musée de la
période consulaire etimpériale. Parfois d’ailleurs,
par exemple pour la Chambre de Bonaparte, le
conservateur, par un scrupule qui l’honore, a
renoncé à suppléer au manque d’indications
sérieuses et préféré une nudité austère qui n’est
pas sans charme à d’aventureuses reconstitu-
tions.
O11 goûtera particulièrement les planches repro-
duisant la salle de musique et la bibliothèque,
sans contredit les ensembles les plus attachants
du palais et sur l’agencement desquels l’auteur
donne des renseignements nouveaux et fort inté-
ressants. Tout ce rez-de-chaussée est plein d’œu-
vres d’ébénislerie, remarquables soit au point de
vueartistique, soitàraisonde leur importance his-
torique, puisqu’elles nous permettent de suivre le
développement pendant 20 années de l’un des arts
mineurs les plus florissants de cette époque. M.
Bourguignon en a identifié et caractérisé heureu-
sement les auteurs : les fils Jacob (avant M. Lefuel,
il a révélé les marques de fabrique diverses de
leur atelier), Mansion, Marcion (à tort parfois
confondus), Rémond, Biennais.
Le plus bel éloge qu’on puisse faire des photo-
typies est qu elles nous font apprécier les détails
de certains morceaux, tel le service de table en
orfèvrerie, travail d’Auguste, offert par la Ville
de Paris lors du sacre, qui, vus d’ensemble, et
dans la réalité, ne laissent pas que de paraître
quelque peu lourds.
La typographie est digne du reste de l’ouvrage.
Signalons quelques fautes vénielles : Tassœrt
(p. i4) pour Tassaert; Umco(p. 2o)pour Unico.
JULIEN REINACH
Le Gérant : Ch. Petit.
CHARTRES .
IMPRIMERIE DURAND, RUE FULRERT.