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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
à la manière du sculpteur Robert, qui nous a laissé son nom sur un
chapiteau de Notre-Dame-du-Port. A Saint-Nectaire comme à Clermont c'est
le même genre de composition, ce sont les mêmes gestes, d’un réalisme
parfois vulgaire, les mêmes conventions pour le traitement de la barbe et
des cheveux, pour celui des armures, pour la retombée des draperies, c’est
surtout le même effort, parfois naïf et confus, pour représenter le mouvement.
Les personnages d’Issoire étaient immobiles : ceux de Saint-Nectaire
s'agitent et se démènent comme Adam et Eve expulsés du Paradis, comme
les Vertus terrassant les Vices sur les chapiteaux de Notre-Dame-du-Port.
Plusieurs corbeilles du chœur de Saint-Nectaire sortent manifestement de
l’atelier de Robert de Clermont : celle de la Passion est du nombre.
C’est ce que montre en particulier l’épisode de l’Arrestation de Jésus.
Le sculpteur a choisi le moment tragique du Baiser de Judas. Le traître
s'est glissé derrière le Maître, l’a pris à bras-le-corps et, en se suspendant à
lui, approche sa figure de la sienne. A ce geste brutal répondent ceux des
soldats couverts d une armure et coiffés du casque à bouton de métal que
portent les Vertus de Notre-Dame-du-Port. L’un brandit un fouet, l’autre un
énorme coutelas et tons deux en même temps saisissent Jésus par le
poignet. D’autre part, de sa main droite restée libre, le Sauveur recolle
l’oreille du centurion Malchus que saint Pierre vient de trancher. Malchus
est figuré à genoux, la tête nue, une main sur la garde de son épée, élevant
de l’autre la longue torche qui éclaire la scène. A l’angle gauche saint
Pierre, reconnaissable à sa tonsure traditionnelle, tient son épée d’une main
et saisit à poignée les cheveux de Malchus de la même manière triviale
qu’Adam saisit les cheveux d’Eve sur le chapiteau de N dre-Dame-du-Port.
Nous voilà loin du calme imperturbable des personnages d’Issoire: ici ce
qui domine ce sont les gestes à la fois vulgaires et brutaux ; c’est le tableau,
présenté sans aucune atténuation, des humiliations infligées au Sauveur,
dont la tète douloureuse, encadrée du large nimbe crucifère, forme le centre
de la composition. Mais, avant de taire honneur de ces trouvailles, plus ou
moins heureuses, à l'imagination de Robert de Clermont, il faut chercher de
quelles sources il a pu s'inspirer. Le maître d’Issoire avaiL étudié les
sarcophages chrétiens : celui de Saint-Nectaire a eu à sa disposition des
miniatures d’origine syrienne.
Une fresque de Qaranleq-Kilissé à Gueurémé (Cappadoce), à peu près
contemporaine des chapiteaux de Saint-Nectaire1, montre Jésus environné
de la foule des Juifs et des soldats, dont les lances se dressent à l’arrière-plan.
1. R. P. de Jerphanion. Le Rôle de l’Asie Mineure et de la Syrie dans Informa-
tion de l’iconographie chrétienne (Mélanges de l’ Université de Beyrouth, VIII, 5, p. ni,
4. Beyrouth, 1922).
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
à la manière du sculpteur Robert, qui nous a laissé son nom sur un
chapiteau de Notre-Dame-du-Port. A Saint-Nectaire comme à Clermont c'est
le même genre de composition, ce sont les mêmes gestes, d’un réalisme
parfois vulgaire, les mêmes conventions pour le traitement de la barbe et
des cheveux, pour celui des armures, pour la retombée des draperies, c’est
surtout le même effort, parfois naïf et confus, pour représenter le mouvement.
Les personnages d’Issoire étaient immobiles : ceux de Saint-Nectaire
s'agitent et se démènent comme Adam et Eve expulsés du Paradis, comme
les Vertus terrassant les Vices sur les chapiteaux de Notre-Dame-du-Port.
Plusieurs corbeilles du chœur de Saint-Nectaire sortent manifestement de
l’atelier de Robert de Clermont : celle de la Passion est du nombre.
C’est ce que montre en particulier l’épisode de l’Arrestation de Jésus.
Le sculpteur a choisi le moment tragique du Baiser de Judas. Le traître
s'est glissé derrière le Maître, l’a pris à bras-le-corps et, en se suspendant à
lui, approche sa figure de la sienne. A ce geste brutal répondent ceux des
soldats couverts d une armure et coiffés du casque à bouton de métal que
portent les Vertus de Notre-Dame-du-Port. L’un brandit un fouet, l’autre un
énorme coutelas et tons deux en même temps saisissent Jésus par le
poignet. D’autre part, de sa main droite restée libre, le Sauveur recolle
l’oreille du centurion Malchus que saint Pierre vient de trancher. Malchus
est figuré à genoux, la tête nue, une main sur la garde de son épée, élevant
de l’autre la longue torche qui éclaire la scène. A l’angle gauche saint
Pierre, reconnaissable à sa tonsure traditionnelle, tient son épée d’une main
et saisit à poignée les cheveux de Malchus de la même manière triviale
qu’Adam saisit les cheveux d’Eve sur le chapiteau de N dre-Dame-du-Port.
Nous voilà loin du calme imperturbable des personnages d’Issoire: ici ce
qui domine ce sont les gestes à la fois vulgaires et brutaux ; c’est le tableau,
présenté sans aucune atténuation, des humiliations infligées au Sauveur,
dont la tète douloureuse, encadrée du large nimbe crucifère, forme le centre
de la composition. Mais, avant de taire honneur de ces trouvailles, plus ou
moins heureuses, à l'imagination de Robert de Clermont, il faut chercher de
quelles sources il a pu s'inspirer. Le maître d’Issoire avaiL étudié les
sarcophages chrétiens : celui de Saint-Nectaire a eu à sa disposition des
miniatures d’origine syrienne.
Une fresque de Qaranleq-Kilissé à Gueurémé (Cappadoce), à peu près
contemporaine des chapiteaux de Saint-Nectaire1, montre Jésus environné
de la foule des Juifs et des soldats, dont les lances se dressent à l’arrière-plan.
1. R. P. de Jerphanion. Le Rôle de l’Asie Mineure et de la Syrie dans Informa-
tion de l’iconographie chrétienne (Mélanges de l’ Université de Beyrouth, VIII, 5, p. ni,
4. Beyrouth, 1922).