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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5. Pér. 12.1925

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Bréhier, Louis: Les épisodes de la passion dans la sculpture romane d'Auvergne
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https://doi.org/10.11588/diglit.24946#0084

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

« le visage (le noire Rédempteur tel qu'il esl dans sa Passion. C’est à peine
si la frayeur et l’angoisse nous permettaient de contempler sa majesté très
précieuse, car, d’un liane du Rédempteur le sang et l’eau paraissaient couler
jusqu’à sa ceinture. Il semblait qu’une bonne partie de lui-même fût
suspendue là » *.

Il ne s’agit pas ici d’un crucifix, mais d’un Christ douloureux, dont on ne
voyait que le buste, percé de la lance. Il est impossible de savoir si cette
apparition émouvante se trouvait soit sur une peinture murale, soit d’une
autre manière, dans la cathédrale d’Etienne II. Ce qui nous importe c’est
que le naïf auteur de ce récit la connaissait et que dès la fin de l’époque caro-
lingienne des interprétations de la Voie Douloureuse, remarquables par leur
réalisme pathétique, avaient pénétré en Auvergne. Or, à cette époque, seule
l’école artistique des moines syriens, qui ornait de ses fresques les églises
rupeslres de Cappadoce avait osé figurer dans toute leur horreur et avec un
luxe de détails cruels les souffrances infinies supportées par le Sauveur.

Ainsi les deux tendances opposées de l’art chrétien apparaissent dans l'Au-
vergne romane. Au symbolisme théologique, qu’exprimait si bien la noblesse
des traditions helléniques, s’oppose la vérité historique, le réalisme doulou-
reux tel que l’ont conçu les maîtres syriens. Le programme iconographique
de la Passion n’a pas varié en Auvergne depuis l’époque de l’art triomphal et
les plus audacieux n'ont jamais osé le compléter en y introduisant la Crucifi-
xion. Mais si ce programme est resté rigide, les thèmes qui le composaient
sont interprétés avec la plus grande liberté et suivant des conceptions oppo-
sées. Le maître d’Issoire est resté fidèle à la tradition la plus ancienne : la sta-
tuaire des sarcophages imprégnée de l’idéalisme hellénique a été son modèle.
Robert de Clermont au contraire a interprété les thèmes religieux comme des
tableaux pittoresques et c’est dans des manuscrits illustrés à l’époque caro-
lingienne d’après des modèles syriens qu’il a puisé des inspirations qui
convenaient si bien à son tempérament. Dans une même école artistique
des esprits très différents pouvaient donc trouver place et c’est la variété
d’accents qu’on remarque dans sa sculpture, c’est ce contraste entre le res-
pect d’une tradition très ancienne et des innovations parfois audacieuses,
qui donnent à l’école romane d’Auvergne une si grande originalité et un si
grand charme.

LOUIS B RÉHIER 1

1. Op. cit. f° 133 b. : prospicientibusqne non longe intuentur vultum nostri
Redemptoris sicut in passione, ut vix, præ timoré et anxietate eius preciocissimam
auderes conspici maieslatem. Nam, ex uno latere Redemptoris videbatur fluere sanguis
et aqua scilicet usque ad precinctum ut putares non modicum spacium ipsius inibi
esse suspensum.
 
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