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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
gens trépignent d’énervement en entendant un ténor et un soprano échanger
des propos prévus avec une lenteur paradoxale, chaque mot, chaque syllabe
étant démesurément gonflés, distendus cl alourdis par leur support
mélodique. Certaines scènes, dont on devine immédiatement la marche et le
dénouement, paraissent ainsi insupportables aux spectateurs pressés qui
voudraient goûter un plaisir moins languissant et d’un rythme plus vivant
et plus vraisemblable.
C’est donc avec une sincérité parfaite et sans le moindre parti-pris de
gageure ou de défi que les jeunes musiciens d’aujourd’hui commencent à se
détacher du drame chanté et cherchent, dans le ballet, par exemple, accom-
pagné par l’orchestre et les voix, une formule lyrique plus conforme aux
aspirations secrètes de leur génération.
La Naissance de la Lyre, l'œuvre lyrique de MM. Th. Reinach et Roussel,
que vient de représenter l’Opéra, arrive fort opportunément pour jeter dans
cette discussion des arguments nouveaux. Cette nouveauté n’a d’ailleurs rien
de téméraire, puisqu’elle date de vingt-cinq siècles. C’est, en effet, en termi-
nant librement un drame satyrique de Sophocle, les Satyres Limiers, que
M. Théodore Reinach nous a offert un spectacle lyrique dont la souplesse
et la variété ont produit sur le public de l’Opéra l’impression la plus
favorable.
L’auteur de la Naissance de la Lyre n’eut qu’à se conformer aux traditions
du théâtre grec, en combinant adroitement le chant, la déclamation, la
musique descriptive, les chœurs et la danse pour obtenir un harmonieux
ensemble, très aéré, sans longueur ni lourdeur, et répondant parfaitement
à toutes les objections des amateurs de musique fatigués du genre opéra.
Car l’histoire n’est qu’un éternel recommencement.
Dans la Naissance de la Lyre, M. Théodore Reinach à réuni et coor-
donné plusieurs des légendes qui entourent l’enfance du jeune Hermès.
Nous nous trouvons à l’époque où Apollon, qui n’était pas encore le
protecteur des poètes et des musiciens, se contentait d’exercer honnêtement
son métier de dieu-pasteur. Il tirait un orgueil particulier d’un magnifique
troupeau de bœufs qu’il menait paître dans les pâturages Pieriens. Un beau
jour, tout le troupeau disparut. Apollon, désespéré, et ne pouvant découvrir
la trace du voleur, vint demander secours au vieux Silène, personnage
jovial et de bon conseil. Silène réunit aussitôt la troupe nombreuse et
trottinante de ses fils, les Satyres malins et futés, qui connaissent les
moindres recoins de la forêt. En échange de leur affranchissement et d’une
honnête gratification, il chargera ces subtils détectives de retrouver les
bœufs perdus.
Apollon accepte et les limiers se mettent en chasse Ils ne tardent pas à
découvrir les empreintes du troupeau volé, conduit à reculons dans une
mystérieuse retraite.
Leurs recherches les conduisent au seuil d’une grotte où ils rencontrent
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
gens trépignent d’énervement en entendant un ténor et un soprano échanger
des propos prévus avec une lenteur paradoxale, chaque mot, chaque syllabe
étant démesurément gonflés, distendus cl alourdis par leur support
mélodique. Certaines scènes, dont on devine immédiatement la marche et le
dénouement, paraissent ainsi insupportables aux spectateurs pressés qui
voudraient goûter un plaisir moins languissant et d’un rythme plus vivant
et plus vraisemblable.
C’est donc avec une sincérité parfaite et sans le moindre parti-pris de
gageure ou de défi que les jeunes musiciens d’aujourd’hui commencent à se
détacher du drame chanté et cherchent, dans le ballet, par exemple, accom-
pagné par l’orchestre et les voix, une formule lyrique plus conforme aux
aspirations secrètes de leur génération.
La Naissance de la Lyre, l'œuvre lyrique de MM. Th. Reinach et Roussel,
que vient de représenter l’Opéra, arrive fort opportunément pour jeter dans
cette discussion des arguments nouveaux. Cette nouveauté n’a d’ailleurs rien
de téméraire, puisqu’elle date de vingt-cinq siècles. C’est, en effet, en termi-
nant librement un drame satyrique de Sophocle, les Satyres Limiers, que
M. Théodore Reinach nous a offert un spectacle lyrique dont la souplesse
et la variété ont produit sur le public de l’Opéra l’impression la plus
favorable.
L’auteur de la Naissance de la Lyre n’eut qu’à se conformer aux traditions
du théâtre grec, en combinant adroitement le chant, la déclamation, la
musique descriptive, les chœurs et la danse pour obtenir un harmonieux
ensemble, très aéré, sans longueur ni lourdeur, et répondant parfaitement
à toutes les objections des amateurs de musique fatigués du genre opéra.
Car l’histoire n’est qu’un éternel recommencement.
Dans la Naissance de la Lyre, M. Théodore Reinach à réuni et coor-
donné plusieurs des légendes qui entourent l’enfance du jeune Hermès.
Nous nous trouvons à l’époque où Apollon, qui n’était pas encore le
protecteur des poètes et des musiciens, se contentait d’exercer honnêtement
son métier de dieu-pasteur. Il tirait un orgueil particulier d’un magnifique
troupeau de bœufs qu’il menait paître dans les pâturages Pieriens. Un beau
jour, tout le troupeau disparut. Apollon, désespéré, et ne pouvant découvrir
la trace du voleur, vint demander secours au vieux Silène, personnage
jovial et de bon conseil. Silène réunit aussitôt la troupe nombreuse et
trottinante de ses fils, les Satyres malins et futés, qui connaissent les
moindres recoins de la forêt. En échange de leur affranchissement et d’une
honnête gratification, il chargera ces subtils détectives de retrouver les
bœufs perdus.
Apollon accepte et les limiers se mettent en chasse Ils ne tardent pas à
découvrir les empreintes du troupeau volé, conduit à reculons dans une
mystérieuse retraite.
Leurs recherches les conduisent au seuil d’une grotte où ils rencontrent