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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
le xve siècle nous portait à accepter cette manière de voir. Celle-ci n’est pas
établie sur des laits précis. Seulement, elle a pour elle sa logique serrée.
Il me semble qu’un jour il faudra la reviser. Les documents écrits nous
ont conservé une grande quantité de témoignages d’où surgit l’image d’une
vie artistique intense dans les Pays-Bas au xme et au xive siècle. Il nous
reste, de plus, des vestiges assez importants de la peinture flamande d’avant
le xve siècle. De tout cela on pourrait tirer des conclusions plus favorables
aux artistes septentrionaux. Le nombre restreint des vestiges conservés
n’infirmerait aucunement ces conclusions. C’est la valeur intrinsèque de ces
vestiges qui s’impose à notre entendement.
J’ai l’impression très nette qu’une étude synthétique pourra nous
convaincre que l’art pictural de la fin du Moyen-Age dans les anciens
Pays-Bas n’était nullement entaché de toutes les insuffisances d’un art jeune
et tâtonnant, qui cherche sans cesse l’appui d’exemples.
Cette impression, je la tiens, en partie, de l’examen d’un des plus
intéressants vestiges de l'art flamand d’avant les van Eyck : les fresques de
la Biloke de Gand. L’étude de ces fresques nous fournira l’occasion
de montrer qu’il ne faut pas attacher trop de crédit à la thèse jusqu’ici
communément admise de l’infériorité de l’art septentrional au xive siècle.
La restauration d’une partie de l’abbaye de la Biloke, en vue de l’instal-
lation des collections du musée local d’archéologie, vient de mettre au jour
une grande peinture représentant la Cène, qui s’étend sur une largeur de
10 mètres, au mur oriental du réfectoire. Les archéologues connaissent de
longue date les autres peintures décorant ce local : la Bénédiction de la
Vierge, se trouvant au-dessus de la Cène, et les grandes figures de
saint Jean Baptiste et de saint Christophe sur la paroi occidentale.
Par les soins de la Commission locale des Monuments, que préside
M. Jos. Casier, et sous la conduite experte de M. Fr. Coppejans, ces pein-
tures viennent d’ètre fixées avec une substance à base de gomme arabique.
On n’y a pas autrement touché. Le fixage a rendu plus de netteté aux
coideurs et, un meilleur éclairage y aidant, il nous est enfin possible d’en-
treprendre une étude plus approfondie de ces œuvres d’art.
Avant d’en aborder l’étude stylistique et d’en déterminer la valeur relative,
11 est de toute nécessité de nous fixer sur la date probable de l'exécution
de ces peintures.
Elles ont été exécutées en même temps que le reste de la polychromie de
la belle et grande salle du réfectoire: le fond sur lequel se détachent les
figures ne se distingue pas du fond d’un rouge sourd, parsemé de fleurs
stylisées, qui recouvre l’ensemble des murs de la salle. Comme le tout est
peint à fresque sur l’enduit encore humide, on peut supposer que la
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
le xve siècle nous portait à accepter cette manière de voir. Celle-ci n’est pas
établie sur des laits précis. Seulement, elle a pour elle sa logique serrée.
Il me semble qu’un jour il faudra la reviser. Les documents écrits nous
ont conservé une grande quantité de témoignages d’où surgit l’image d’une
vie artistique intense dans les Pays-Bas au xme et au xive siècle. Il nous
reste, de plus, des vestiges assez importants de la peinture flamande d’avant
le xve siècle. De tout cela on pourrait tirer des conclusions plus favorables
aux artistes septentrionaux. Le nombre restreint des vestiges conservés
n’infirmerait aucunement ces conclusions. C’est la valeur intrinsèque de ces
vestiges qui s’impose à notre entendement.
J’ai l’impression très nette qu’une étude synthétique pourra nous
convaincre que l’art pictural de la fin du Moyen-Age dans les anciens
Pays-Bas n’était nullement entaché de toutes les insuffisances d’un art jeune
et tâtonnant, qui cherche sans cesse l’appui d’exemples.
Cette impression, je la tiens, en partie, de l’examen d’un des plus
intéressants vestiges de l'art flamand d’avant les van Eyck : les fresques de
la Biloke de Gand. L’étude de ces fresques nous fournira l’occasion
de montrer qu’il ne faut pas attacher trop de crédit à la thèse jusqu’ici
communément admise de l’infériorité de l’art septentrional au xive siècle.
La restauration d’une partie de l’abbaye de la Biloke, en vue de l’instal-
lation des collections du musée local d’archéologie, vient de mettre au jour
une grande peinture représentant la Cène, qui s’étend sur une largeur de
10 mètres, au mur oriental du réfectoire. Les archéologues connaissent de
longue date les autres peintures décorant ce local : la Bénédiction de la
Vierge, se trouvant au-dessus de la Cène, et les grandes figures de
saint Jean Baptiste et de saint Christophe sur la paroi occidentale.
Par les soins de la Commission locale des Monuments, que préside
M. Jos. Casier, et sous la conduite experte de M. Fr. Coppejans, ces pein-
tures viennent d’ètre fixées avec une substance à base de gomme arabique.
On n’y a pas autrement touché. Le fixage a rendu plus de netteté aux
coideurs et, un meilleur éclairage y aidant, il nous est enfin possible d’en-
treprendre une étude plus approfondie de ces œuvres d’art.
Avant d’en aborder l’étude stylistique et d’en déterminer la valeur relative,
11 est de toute nécessité de nous fixer sur la date probable de l'exécution
de ces peintures.
Elles ont été exécutées en même temps que le reste de la polychromie de
la belle et grande salle du réfectoire: le fond sur lequel se détachent les
figures ne se distingue pas du fond d’un rouge sourd, parsemé de fleurs
stylisées, qui recouvre l’ensemble des murs de la salle. Comme le tout est
peint à fresque sur l’enduit encore humide, on peut supposer que la