216
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
vaille à pareille échelle. Certains décors de ballets russes onl mis leur
science à l’épreuve, leurs talents en relief. Si M. Voguet n’a rien inventé,
se contentant de vulgariser les manières de concevoir et les formules esthé-
tiques de ses devanciers, il faut lui savoir gré de Sa franche rupture avec tout
hermétisme. Il a su clairement adapter son cubisme aux nécessités d’une archi-
tecture, à l’état d’âme d’un.public. Rendons hommage à ceux qui luttèrent
el qui sont encore sacrifiés. Les plus dogmatiques, les plus intelligents de
nos décorateurs ont été forcés de s’abstenir, mais c’est à leurs efforts que
l’Exposition — trop « de juste milieu » au regard des théoriciens d'avant-
garde — doit cependant de n’être pas tout à fait dépourvue de style. Le
panneau de Voguet, prospectus, indication de « directives », au demeurant
hâtive réussite, nous fournit, dès le seuil, matière à des réflexions qui nous
entraînent tout au cœur de notre sujet.
Dans la Cour des Métiers, faisons la contre-épreuve. Rien d’architectu-
ral, ici, dans l’ornement. De larges tableaux de chevalet occupent des
espaces qu’ils animent gaîment, comme un paysage illumine et complète le
sens d’une fenêtre. Aussi la Cour n’est pas une cour mais un salon. Les
murs sont troués, ne présentant plus qu’une série de cadres où des images,
plus ou moins agréables, ne s’inscrivent que pour nous distraire. Les pein-
tures de la Cour des Métiers sont, en outre, les plus confusément anecdotiques
que l’on puisse voir à l’Exposition. Hâtons-nous d’ajouter que leurs « tares »
de principe ne nous permettent point de préjuger de leur valeur individuelle.
Les esprits chagrins, trop volontiers « anti-pittoresques , » auraient tôt fait
de condamner « en bloc » les tentatives picturales de l’immense majorité
des exposants. Nous avons dit la faiblesse constitutive des œuvres que nous
analysons. Que leur fraîcheur et leur éclat nous disposent à quelque indul-
gence ! Les quatre toiles de Marret, bourrées de faits-divers ingénieusement
rapportés, ne peuvent que séduire un œil de peintre, favorable à l’impres-
sionnisme et sensible aux belles nuances d’accords chauds, vibrants et
nourris. Une fougue à la Desvallières se traduit en gestes nombreux, en
sabrures multicolores, en traits inachevés mais justes. On entend siffler des
locomotives, grincer des poulies, crier VÎntran. C’est l’agitation, non stylisée,
d’une gare, d’un stade, d’un carrefour et d’un chantier ; ce sont les Trans-
ports, les Sports, la Rue, VArchitecture, dissertations mouvementées, encom-
brées de détails quotidiens, évocatrices d’atmosphères laborieuses. Les
figurants n’accaparent point l’attention. Ils se diluent dans les vives clartés
qui les entourent. Les thèmes sont pris dans un répertoire d’idées courantes
que l’artiste eut le tort de ne pas transposer, de ne pas traduire dans un
langage véritablement plastique. Il bavarde et ne conclut point. M. Rapin,
plus terne, plus dépouillé, n’est (pie pauvre, pauvre d’invention, de dessin.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
vaille à pareille échelle. Certains décors de ballets russes onl mis leur
science à l’épreuve, leurs talents en relief. Si M. Voguet n’a rien inventé,
se contentant de vulgariser les manières de concevoir et les formules esthé-
tiques de ses devanciers, il faut lui savoir gré de Sa franche rupture avec tout
hermétisme. Il a su clairement adapter son cubisme aux nécessités d’une archi-
tecture, à l’état d’âme d’un.public. Rendons hommage à ceux qui luttèrent
el qui sont encore sacrifiés. Les plus dogmatiques, les plus intelligents de
nos décorateurs ont été forcés de s’abstenir, mais c’est à leurs efforts que
l’Exposition — trop « de juste milieu » au regard des théoriciens d'avant-
garde — doit cependant de n’être pas tout à fait dépourvue de style. Le
panneau de Voguet, prospectus, indication de « directives », au demeurant
hâtive réussite, nous fournit, dès le seuil, matière à des réflexions qui nous
entraînent tout au cœur de notre sujet.
Dans la Cour des Métiers, faisons la contre-épreuve. Rien d’architectu-
ral, ici, dans l’ornement. De larges tableaux de chevalet occupent des
espaces qu’ils animent gaîment, comme un paysage illumine et complète le
sens d’une fenêtre. Aussi la Cour n’est pas une cour mais un salon. Les
murs sont troués, ne présentant plus qu’une série de cadres où des images,
plus ou moins agréables, ne s’inscrivent que pour nous distraire. Les pein-
tures de la Cour des Métiers sont, en outre, les plus confusément anecdotiques
que l’on puisse voir à l’Exposition. Hâtons-nous d’ajouter que leurs « tares »
de principe ne nous permettent point de préjuger de leur valeur individuelle.
Les esprits chagrins, trop volontiers « anti-pittoresques , » auraient tôt fait
de condamner « en bloc » les tentatives picturales de l’immense majorité
des exposants. Nous avons dit la faiblesse constitutive des œuvres que nous
analysons. Que leur fraîcheur et leur éclat nous disposent à quelque indul-
gence ! Les quatre toiles de Marret, bourrées de faits-divers ingénieusement
rapportés, ne peuvent que séduire un œil de peintre, favorable à l’impres-
sionnisme et sensible aux belles nuances d’accords chauds, vibrants et
nourris. Une fougue à la Desvallières se traduit en gestes nombreux, en
sabrures multicolores, en traits inachevés mais justes. On entend siffler des
locomotives, grincer des poulies, crier VÎntran. C’est l’agitation, non stylisée,
d’une gare, d’un stade, d’un carrefour et d’un chantier ; ce sont les Trans-
ports, les Sports, la Rue, VArchitecture, dissertations mouvementées, encom-
brées de détails quotidiens, évocatrices d’atmosphères laborieuses. Les
figurants n’accaparent point l’attention. Ils se diluent dans les vives clartés
qui les entourent. Les thèmes sont pris dans un répertoire d’idées courantes
que l’artiste eut le tort de ne pas transposer, de ne pas traduire dans un
langage véritablement plastique. Il bavarde et ne conclut point. M. Rapin,
plus terne, plus dépouillé, n’est (pie pauvre, pauvre d’invention, de dessin.