LA RAZZIA DBS OULED-AYAR
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trouve là des ressources nombreuses en orge, en bœufs, en moutons.
On est en pays ennemi, et on commence, comme c’est l’habitude
quand on le peut, à vivre à ses dépens. Ce sont du reste des prises
légitimées par l’hostilité brouillonne du propriétaire. Pendant la nuit,
quelques cavaliers envoyés par Bou Habana pour nous apporter des
nouvelles racontent qu’ils ont aperçu dans la montagne, sur les flancs
de la route, des rassemblements d’Ouled-Ayar, qui les ont insultés et
leur ont dit que leur intention était de nous barrer la route. « Les
chiens, dit Si el Borni, sont assez dénués d’intelligence pour essayer
leurs fusils. »
Nous n’y ajoutons pas grande créance; cependant pour le départ
nous prenons quelques précautions. Notre petite armée se déroule sur
deux crêtes parallèles que longe la rivière, prêtes à s’entr’aider et sa
batterie de campagne suit la vallée entre les deux colonnes. Probable-
ment la nuit a porté conseil, car nous ne rencontrons personne; pas un
coup de fusil ne vient troubler le silence absolu dans lequel nous che-
minons. C’est un superbe pays que nous traversons ; les coteaux sont
boisés et la plaine est fertile. Nous marchons gaiement, quoique un
peu ennuyés de si longs voyages sans rencontrer amis ou ennemis.
Enfin, après une longue marche, nous arrivons aux environs de Makter,
et la colonne s’établit autour d’un mamelon élevé qui domine tous les
environs et où la batterie de campagne est installée. A son pied coule
l’o ued Saboun affluent de la Siliana ou plutôt une de ses sources.
A 2 ou 3 kilomètres est l’ancienne Mactaris. Elle a dû être, si on
en juge par la grandeur imposante de ses ruines, une des villes
importantes de l’époque romaine. Les restes immenses de ses
temples, de ses portes, de ses arcs de triomphe, de ses tombeaux,
attestent sa grandeur. Qui soulèvera le voile qui couvre son passé et
nous racontera l’histoire de sa splendeur et l’histoire de sa destruction?
Ce n’est pas le temps seulement qui l’a ruinée; on dirait que l’on se
soit plu à démolir tous ses monuments et que cette destruction se soit
faite avec ordre, afin que l’on retrouve plus tard la trace et la forme
de chaque chose.
Singulière destinée ! tout a été abandonné, et, depuis le jour de sa
destruction, personne n’a essayé d’habiter ces ruines ou d’en tirer
parti pour quoi que ce soit ; et à quelques pas cependant les habitants
du pays, les Ouled-Ayar, habitent aussi des maisons; comment n’ont-
ils pas utilisé ces ruines gigantesques ?
Malgré tous nos regrets d’ignorer son histoire et le désir ardent de
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trouve là des ressources nombreuses en orge, en bœufs, en moutons.
On est en pays ennemi, et on commence, comme c’est l’habitude
quand on le peut, à vivre à ses dépens. Ce sont du reste des prises
légitimées par l’hostilité brouillonne du propriétaire. Pendant la nuit,
quelques cavaliers envoyés par Bou Habana pour nous apporter des
nouvelles racontent qu’ils ont aperçu dans la montagne, sur les flancs
de la route, des rassemblements d’Ouled-Ayar, qui les ont insultés et
leur ont dit que leur intention était de nous barrer la route. « Les
chiens, dit Si el Borni, sont assez dénués d’intelligence pour essayer
leurs fusils. »
Nous n’y ajoutons pas grande créance; cependant pour le départ
nous prenons quelques précautions. Notre petite armée se déroule sur
deux crêtes parallèles que longe la rivière, prêtes à s’entr’aider et sa
batterie de campagne suit la vallée entre les deux colonnes. Probable-
ment la nuit a porté conseil, car nous ne rencontrons personne; pas un
coup de fusil ne vient troubler le silence absolu dans lequel nous che-
minons. C’est un superbe pays que nous traversons ; les coteaux sont
boisés et la plaine est fertile. Nous marchons gaiement, quoique un
peu ennuyés de si longs voyages sans rencontrer amis ou ennemis.
Enfin, après une longue marche, nous arrivons aux environs de Makter,
et la colonne s’établit autour d’un mamelon élevé qui domine tous les
environs et où la batterie de campagne est installée. A son pied coule
l’o ued Saboun affluent de la Siliana ou plutôt une de ses sources.
A 2 ou 3 kilomètres est l’ancienne Mactaris. Elle a dû être, si on
en juge par la grandeur imposante de ses ruines, une des villes
importantes de l’époque romaine. Les restes immenses de ses
temples, de ses portes, de ses arcs de triomphe, de ses tombeaux,
attestent sa grandeur. Qui soulèvera le voile qui couvre son passé et
nous racontera l’histoire de sa splendeur et l’histoire de sa destruction?
Ce n’est pas le temps seulement qui l’a ruinée; on dirait que l’on se
soit plu à démolir tous ses monuments et que cette destruction se soit
faite avec ordre, afin que l’on retrouve plus tard la trace et la forme
de chaque chose.
Singulière destinée ! tout a été abandonné, et, depuis le jour de sa
destruction, personne n’a essayé d’habiter ces ruines ou d’en tirer
parti pour quoi que ce soit ; et à quelques pas cependant les habitants
du pays, les Ouled-Ayar, habitent aussi des maisons; comment n’ont-
ils pas utilisé ces ruines gigantesques ?
Malgré tous nos regrets d’ignorer son histoire et le désir ardent de